Paradis fiscaux

novembre 28, 2018 Non Par admin

1 Introduction

« Les nations de nos jours ne sauraient faire que dans leur sein les conditions ne soient pas égales; mais il dépend d’elles que l’égalité les conduise à la servitude ou à la liberté, aux lumières ou à la barbarie, à la prospérité ou aux misères »
Alexis de Tocqueville

Dans le cadre du travail d’évaluation du module « Droit international des affaires» du Master 2 enManagement des Entreprises de l’Université de Savoie et du Diplôme de Formation Continue en Gestion, j’ai réalisé ce document qui présente des réflexions ainsi qu’une analyse structurée sur l’évasion fiscale. Plus précisément, je me suis focalisée sur l’évasion des capitaux et l’évasion fiscale. C’est un sujet d’actualité brulante, qui touche les intérêts de la Suisse et reconfigure toute la carteéconomique mondiale. La Suisse est le bouc émissaire idéal.

Le marché de l’évitement d’impôts, d’ampleur gigantesque, est désormais contrôlé par les juridictions anglo-saxonnes et leurs instruments phares, dont les sociétés de domicile (sociétés offshore) et les trusts restent aujourd’hui une voie royale, drapée de légitimité afin d’éviter l’impôt. Ce n’est pas un hasard si des Etats américains telsque le Wyoming, le Delaware, le Nevada, des îles telles que les Seychelles, les Iles Vierges britanniques, Jersey, Guernesey, ou Hong Kong ne figurent sur aucune liste noire de paradis fiscaux. Le blanchiment d’argent, qui est devenu impossible depuis longtemps en Suisse, s’y pratique sans frein et sans la moindre réprobation. Le problème n’est donc pas moral mais commercial, économique, financier.Il est certes difficile d’évaluer la fortune mondiale soustraite au fisc. Si l’on s’en tient aux 7’000 milliards de dollars estimés par le Boston Consulting Group, la fortune placée en Suisse, 2’200 milliards, représente une proportion non négligeable. Mais il est vraisemblable que les 11’500 milliards, estimés en 2005 par Tax Justice Network, soient plus proches de la vérité, selon Myret Zaki,et qu’ils avoisinent les 13’700 milliards, voire 16’500 milliards en 2010. Dans ces conditions la part de la Suisse devient relativement plus modeste.

En dépit d’une fiscalité attractive, la Suisse est devenue trop transparente pour intéresser des clients en recherche d’anonymat et qui sont prêts à en payer le prix ?

L’actualité ne semble pas vouloir laisser l’évasion de capitaux couler desjours paisibles au soleil des paradis fiscaux : en période de difficultés économiques, où chaque Etat tient scrupuleusement ses comptes à jour, ces sommes qui transitent sont plus que jamais pointées du doigt. Pourtant, les phénomènes de fuite des capitaux par le biais des paradis fiscaux suscitent toujours une ambiguïté : bien souvent, ils ne sont appréhendés que sous l’angle d’une farce faiteau fisc. En réalité, ces flux nous placent face à des rouages bien plus réfléchis qu’il n’y parait, de sorte que la fuite des richesses devient la spécialité de contribuables avisés et bien plus nuisibles au système qu’il ne semblait auparavant.

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2 Evasion fiscale

Pourtant, parce que l’économie est grandement basée sur la transparence de l’information et la fiabilité des transactions,la perturbation générée par des transferts de capitaux qui fuient leurs frontières nationales ne peut qu’en saper les bases, aussi et surtout parce que cette évasion emprunte les circuits de territoires mal identifiés : les paradis fiscaux.

Souvent évoqués, ces derniers ne correspondent paradoxalement à aucune réalité tangible : si certaines entités ou organisations ont tenté d’en établir deslistes, il s’avère que chacun, en fonction de son cheval de bataille, retient des critères qui lui sont propres, de sorte qu’il est impossible de dégager une définition universelle. Territoires pointés du doigt par l’actualité, qui dénonce leur opacité et leurs pratiques peu orthodoxes, ils ne datent pourtant pas d’hier.

Historiquement, il est possible de retracer l’émergence des…