Opinion

novembre 29, 2018 Non Par admin

Le monde des opinions

Il est de bon conseil de dire à celui qui avance sur le chemin de la vie : « tu dois avoir tes propres opinions ». C’est un préjugé ordinaire. Il est de toute manière entendu que nous devons avoir une opinion sur à peu près tout. Cela permet de pouvoir discuter de tout et de rien, de donner son avis, de se prononcer, de montrer que l’on s’intéresse à toutessortes de choses et que l’on a son mot à dire. L’opinion a une valeur: elle permet de s’exprimer !

Seulement d’un autre côté, s’en tenir à des opinions ne suffit pas. Que valent les opinions sur des sujets techniques où on est incompétent ? S’agit-il d’avoir une opinion pour être capable de parler pour ne rien dire ? Il ne vaudrait pas mieux se taire? Une opinion, cela reste une vague idéesur quelque chose, ce n’est pas encore une conviction fondée. Dire que l’on n’a pas d’opinion serait peut-être parfois plus modeste, plus juste, que de prétendre en avoir sur tout. D’autre part, il y a peut-être des domaines où l’opinion a une valeur et d’autres où elle n’a pas sa place.

On ne peut pas mettre toutes les opinions sur le même plan. Toutes les opinions se valent-elles ?

* **

A. Avoir des opinions, répondre de ses convictions

1) Commençons par préciser. Il importe d’abord de savoir ce qu’est l’opinion. Mais qu’est-ce qu’une opinion ? On dit opiner de la tête pour marquer son accord. Une opinion, c’est un avis sur lequel nous sommes d’accord. Nous disons « moi je pense que ». L’opinion suppose que je me prononce sur le terrain de la vérité en formulant unjugement. C’est aussi cet avis que nous reconnaissons à titre de désaccord dans l’avis de quelqu’un d’autre. « Je ne suis pas d’accord avec ses opinions». Quand nous disons « avoir une opinion », nous sentons immédiatement nos limites. Nous ne sommes pas très assuré des fondements, des raisons pour lesquelles nous tenons à telle ou telle idée. « Avoir une opinion, c’est affirmer de façon sommaire,la validité d’une conscience subjective limitée dans son contenu de vérité ». Nous sentons bien qu’un autre pourrait aussi bien avoir une opinion différente, toute aussi valide. Mieux, en disant « moi je pense que », que mettons-nous en valeur ? Est-ce l’idée que nous avançons, ou bien est-ce nous-mêmes que nous cherchons à faire valoir ? L’opinion participe du besoin de se faire valoir autantque du besoin de dire quelque chose et de donner un avis. (texte) (exercice 4d)

Il y a cependant deux situations bien différentes :

a) le plus souvent, dans l’opinion, nous avons conscience du caractère seulement probable, hypothétique de nos affirmations : « Lorsque quelqu’un dit qu’à son avis, le nouveau bâtiment de la faculté a sept étages, cela peut vouloir dire qu’il l’a appriscela d’un tiers, mais qu’il ne le sait pas exactement». L’opinion trouve son usage correct sur le terrain privilégié de la connaissance par ouï-dire, là où l’incertitude demeure. (texte) Cf. Hannah Arendt. Elle relève de la croyance. « J’ai entendu dire que », alors je bâtis à partir de ce que j’ai entendu des opinions. Si nous faisons le tour de ce que nous savons par ouï-dire, ce que nous savonssans en avoir l’expérience directe, sans en avoir les raisons précises, nous ferons le compte exact de nos opinions. Il n’y a jamais d’exactitude dans l’opinion. elle n’est pas de l’ordre d’une constatation ni d’une expérience vécue. Elle est encore moins le résultat d’un raisonnement fondé. C’est tout juste si elle permet de se ranger dans le consensus commun. (texte)

b) Mais ce n’est pasainsi que fonctionnent les opinions racistes, les opinions brutales qui sont des jugements à l’emporte-pièce, sans nuance ni justification. «Le sens est tout différent lorsque quelqu’un déclare qu’il est d’avis quant à lui que les juifs sont une race de parasites ». C’est là une manière d’affirmer qui se rencontre dans les blagues racistes, les brèves de comptoir. Dans ce cas, il n’y a plus de…