Notion de faute intentionnelle en assurance
Notion de faute intentionnelle en assurance : une nécessaire dualité
Par Sabine Abravanel-Jolly
Maître de conférences en droit privé,
habilitée à diriger des recherches.
Contrat d’assurance. – Exclusion légale de garantie. – Faute intentionnelle. – Notion
Au visa de l’article L. 113-1 du Code des assurances, la Cour de cassation a longtemps affirmé qu' » au sens de ce texte, la fauteintentionnelle qui exclut la garantie de l’assureur est celle qui suppose la volonté de causer le dommage et pas seulement d’en créer le risque » (Cass. 1ère civ., 10 avr. 1996, n° 93-14.571, RGDA 1996, p. 716, note J. Kullmann). Ce faisant, en exigeant à la fois une faute volontaire et un dommage recherché, la jurisprudence interprète très restrictivement la notion de faute intentionnelle (V. G.Viney , La responsabilité civile, Effets, LGDJ, 1988, n° 365, p. 476, LGDJ, 1988, n° 366, p. 477) et retient classiquement la notion de faute intentionnelle subjective. D’ailleurs, en assimilant la faute dolosive à la faute intentionnelle, la Cour de cassation ne retient qu’un seul motif d’exclusion alors que la loi en mentionnait deux. En ce sens, l’exclusion légale n’a vocation à jouer que rarement,et lorsqu’elle joue, on peut regretter l’application désordonnée qui en est faite par la Cour de cassation (I).
Malgré une notion majoritairement unilatérale, la Cour de cassation n’a pas toujours été aussi tranchée. Par certaines décisions, elle a pu laisser croire à une atténuation de la nécessité de la volonté de provoquer le dommage, en reconnaissant la faute intentionnelle chez l’assuréqui crée un risque de dommage, sans vouloir que celui-ci se réalise. C’est ainsi que sans le dire explicitement, elle semble donner enfin vie à la « // faute dolosive// » prévue par l’article L. 113-1, alinéa 2 du Code des assurances, et ainsi accorder une place à la notion de faute intentionnelle « // objective// « , chère au professeur Groutel (Resp. civ. et assur. 2005, com. 370), et approuvée parle professeur Kullmann (Lamy Assurances 2009, n° 1292 à 1294 ; RGDA 2006, p. 637, spéc. p. 643-644). A cet égard, on ne peut qu’encourager la Cour de cassation dans cette voie, au moins lorsque sont en cause des questions de responsabilité civile contractuelle (II).
I) Une application jurisprudentielle désordonnée de la faute intentionnelle subjectiveEn théorie, la faute intentionnellesubjective définie par la Cour de cassation suppose la réunion de deux éléments : un geste volontaire et la volonté de provoquer le dommage. Malgré cette définition précise, la notion de faute intentionnelle demeure floue parce que la Cour de cassation se livre à un contrôle normatif inconstant (A) et a recours à des fondements parfois erronés (B).
A) Une notion floue due à un contrôle normatifinconstant
Comme il l’a été rappelé plus haut, sur le fondement de l’article L. 113-1 du Code des assurances, la Cour de cassation s’est d’abord livrée à une interprétation très restrictive de la notion de faute intentionnelle (v. G. Viney, préc.), affirmant qu' » au sens de ce texte, la faute intentionnelle qui exclut la garantie de l’assureur est celle qui suppose la volonté de causer le dommage etpas seulement d’en créer le risque » (Cass. 1ère civ., 10 avr. 1996, no 93-14.571, RGDA 1996, p. 716, note Kullmann J.). En ce sens, la haute Cour a imposé la notion de faute intentionnelle subjective (Lamy Assurances 2009, n° 1292).
Mais, par un arrêt de principe, commenté dans le Rapport annuel de la Cour de cassation, la première chambre civile a décidé que » l’appréciation par les jugesdu fond du caractère intentionnel d’une faute, au sens de l’article L. 113-1 du Code des assurances, est souveraine et échappe au contrôle de la Cour de cassation » (Cass. 1ère civ., 4 juill. 2000, n° 98-10.744, RGDA 2000, p. 1055, note J. Kullmann ; H. Groutel, L’appréciation de l’aléa et de la faute intentionnelle dans le contrat d’assurance, Resp. civ. et assur. 2000, chr. n° 24, Rapp. C….