Molière les fourberies de scapin

décembre 30, 2018 Non Par admin

SCAPIN : Cachez-vous : voici un spadassin qui vous cherche. (En contrefaisant sa voix) « Quoi ? Jé n’aurai pas l’abantage dé tuer cé Geronte, et quelqu’un par charité né m’enseignera pas où il est ? »(à Géronte avec sa voix ordinaire) Ne branlez pas. (Reprenant son ton contrefait) « Cadédis, jé lé trouberai, sé cachât-il au centre dé la terre, » (à Géronte avec son ton naturel) Ne vous montrez pas.(Tout le langage gascon est supposé de celui qu’il contrefait, et le reste de lui) « Oh, l’homme au sac ! » Monsieur. « Jé té vaille un louis, et m’enseigne où put être Géronte. » Vous cherchez leseigneur Géronte ? « Oui, mordi ! Jé lé cherche. » Et pour quelle affaire, Monsieur ? « Pour quelle affaire ? » Oui. « Jé beux, cadédis, lé faire mourir sous les coups de vaton. » Oh ! Monsieur, les coups de bâtonne se donnent point à des gens comme lui, et ce n’est pas un homme à être traité de la sorte. « Qui, cé fat dé Geronte, cé maraut, cé velître ? » Le seigneur Géronte, Monsieur, n’est ni fat, ni maraud,ni belître, et vous devriez, s’il vous plaît, parler d’autre façon. « Comment, tu mé traites, à moi, avec cette hautur ? » Je défends, comme je dois, un homme d’honneur qu’on offense. « Est-ce que tu esdes amis dé cé Geronte ? » Oui, Monsieur, j’en suis. « Ah ! Cadédis, tu es de ses amis, à la vonne hure. » (Il donne plusieurs coups de bâton sur le sac) « Tiens. Boilà cé qué jé té vaille pour lui. » Ah,ah, ah ! Ah, Monsieur ! Ah, ah, Monsieur ! Tout beau. Ah, doucement, ah, ah, ah ! « Va, porte-lui cela de ma part. Adiusias. » Ah ! diable soit le Gascon ! Ah !
En se plaignant et remuant le dos,comme s’il avait reçu les coups de bâton.
GÉRONTE, mettant la tête hors du sac : Ah ! Scapin, je n’en puis plus.
SCAPIN : Ah ! Monsieur, je suis tout moulu, et les épaules me font un mal épouvantable.GÉRONTE : Comment ? c’est sur les miennes qu’il a frappé.
SCAPIN : Nenni, Monsieur, c’était sur mon dos qu’il frappait.
GÉRONTE : Que veux-tu dire ? J’ai bien senti les coups, et les sens bien…