Meilleure copie-concours attaché territorial
Concours externe d’attaché territorial 2007 Epreuve de composition sur un sujet d’ordre général —————————————————————————————————————Présentée comme l‘étape ultime du progrès scientifique, l’annonce par un chercheur américain de sa capacité à créer un chromosome artificiel a suscité des inquiétudes. Comme toute découvertemajeure, cette avancée porte en elle une dialectique ambivalente, permettant d’en espérer les plus grands bienfaits – ici la guérison de certaines maladies par exemple – comme d’en craindre les plus grandes dérives, telles que l’eugénisme. Historiquement, le premier aspect a prévalu sur le second lors de l’accélération du progrès scientifique concomitant de la Révolution Industrielle en Europeoccidentale dès la fin du XVIIIème siècle. Les penseurs de l’époque, parmi lesquels Ernest Renan ou Auguste Comte, voient alors dans l’avènement de la science un chemin vers davantage de liberté. Cette connexion entre science, progrès, esprit et liberté propre aux positivistes se retrouve dans l’œuvre de Renan, qui a aussi bien écrit sur la science que sur la vie de Jésus ou la définition de laNation. Pourtant très porté sur la religion – il a fait ses études au séminaire et a failli devenir prêtre – il a rejeté le point de vue de l’Eglise alors réticente au progrès pour embrasser l’idéal scientifique au service de l’Homme. Or, si la science a bien permis d’améliorer le niveau de vie d’une partie de la population mondiale, son développement exponentiel à partir du début du XXè siècle acoïncidé avec deux conflits mondiaux, de nombreuses catastrophes humaines et une montée des inégalités mondiales. Dès lors, on peut se demander si la science est toujours vectrice de liberté, comme le défendaient les positivistes. De fait, le changement de la nature et du rôle de la science ont entraîné une évolution des conséquences sociales du progrès scientifique. Ainsi, le dévoiement d’un progrèsjusqu’ici sanctifié (I) enferme l’Homme au lieu de le libérer (II) ce qui entraîne un contournement dangereux du progrès (III). L’entrée dans le XXème siècle a vu la science se détourner de son acception du XIXème siècle. Le progrès positiviste vecteur de liberté (A) s’est transformé en science globalisante et faustienne (B). L’avènement d’une société centrée sur la science a historiquement étécontemporaine d’une conquête des droits et de l’amélioration du niveau de vie. On retrouve déjà le lien entre la liberté et la qualité de vie matérielle dans la Déclaration des droits de l’*Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789, qui dans son article 4 fait de la propriété un droit inaliénable et sacré, protégé à l’art. 16. Le progrès scientifique du XIXème siècle s’inscrit dans cette optique : il s’agitde découvrir pour accéder à l’aisance matérielle de la société. Le progrès rejoint le sens de l’Histoire hégélienne vers la liberté. Le foisonnement scientifique dont l’effervescence se reflète dans les expositions universelles, donne naissance à de nombreuses inventions améliorant incontestablement la vie quotidienne dans tous ses aspects : transports (chemins de fer), corvées ménagères,communications (télégraphe puis téléphone), culture (cinéma, disques vinyle), découverte de l’électricité, etc. Ces applications génèrent de nouvelles activités commerciales conformément à la théorie des « grappes d’innovation » schumpéterienne. Enfin, ces évolutions bouleversent les hiérarchies sociales en favorisant l’ascension de la bourgeoisie, véritable moteur de la conquête des droits. En délivrantl’Homme de certaines corvées quotidiennes, la science a ainsi effectivement pu permettre un élargissement des activités intellectuelles se dirigeant vers le « royaume de l’esprit » décrit par Renan. Cependant, ce mouvement issu des Lumières a changé de nature en franchissant des étapes supplémentaires. Comme l’a observé Max Weber, la rationalité scientifique a peu à peu écrasé les autres formes…