Macbeth
SLa double scène et le double jeu
Le roi et l’assassin
Macbeth et le spectre
Lady Macbeth et la « fête nue »
Le roi absent
La parole non adressée
L’homme exclus
Le règne du chaos
La transgression des hiérarchies
La transgression des essences
hakespeare
Macbeth
ACTE TROIS – SCÈNE QUATRE (p. 135 à 149 – Ed. de référence : Aubier, Domaine Anglais)
Nota : leslettres « h, b, m » qui suivent les numéros de pages indiquent le haut, le Milieu ou le bas de la page.
Passage très important, en ce qu’il constitue une charnière dans la position de Macbeth : aussitôt après la rencontre des sorcières, à l’entrée de la pièce, il a cru être simplement un homme béni par le destin, il a cru que le titre de roi lui viendrait naturellement, sans passage à l’acte niviolence. Une fois le meurtre de Duncan accompli, il est consommé par le remords. Enfin, il choisit de nier le destin pour se guérir de son remords : dans la scène qui précède, il vient de commanditer l’assassinat de Banquo et de son fils Fléance, espérant en cela conjurer les prédictions des sorcières, et revenir sur le destin. Cette scène 4 de l’Acte III met en scène l’échec de Macbeth dans satentative de conjurer le destin, et cela de plusieurs façons : Macbeth, plus que jamais, est incapable de jouir du pouvoir (la fête est nue … et le trône est occupé par Lady Macbeth) ; loin d’échapper au remords, celui-ci s’objective, ou s’incarne désormais en un spectre, et Macbeth perd la raison et se résout au dérèglement qui assaille l’univers de la pièce.
Nous nous intéresserons, pourrendre compte de ce passage, à la double scène et au double jeu qui caractérisent les personnages. Nous montrerons ensuite que Macbeth est maintenant absent : absent à lui-même, absent à ce qui se passe autour de lui, il est un homme déshumanisé. Enfin, nous nous attacherons à montrer la puissance et les effets du désordre sur le monde qui lui est soumis.
I) La double scène et le double jeuNous parlons de double scène et de double jeu, mais on pourrait même parler d’une scène à triple foyer, dont le centre d’intérêt serait triple : la fête, qui est le prétexte à la réunion des personnages qui se trouvent sur scène, l’intervention de l’assassin, et l’irruption du spectre. En regard de chacun de ces éléments, la position des personnages principaux, Macbeth et Lady Macbeth estduplice, et la fête, pourtant au centre de l’espace scénique, ne peut avoir lieu.
1) Le roi et l’assassin
L’assassin joue bien sûr un rôle fondamental, puisqu’il a entre ses mains le pouvoir de libérer Macbeth : libération de Banquo l’ami, mais surtout le témoin indésirable des prophéties des sorcières, libération de Fléance, celui qui succédera à Macbeth et rendra dérisoire etvain le crime qui lui a permis d’accéder au pouvoir, libération enfin du destin à travers la liquidation du père et du fils, grand et petit serpents. Que cette fonction de libération soit entre les mains d’un assassin signe ce qui est maintenant le destin de Macbeth : le sang qui appelle le sang, et le règlement de compte indéfini. L’assassin intervient en total décalage par rapport à la nobleassemblée qui occupe la scène : lui reste en marge, à la frontière des coulisses : il est à la porte et n’entrera pas (137m) alors que les convives sont assis à leurs places ; il a du sang sur le visage, tandis qu’on boit du vin à table; le sang, qui est une manifestation explicite de la violence et de la mort (ibid.), de la vie qui est passée dehors (137b) ; il est économe de paroles, mais il a agi,il a tué Banquo (139m). Il est un capital tranche – gorge (137b), il a fait couler le sang et l’a laissé apparaître aux marges de la scène, mais un tranche – gorge inaccompli : il a agi incomplètement, en laissant fuir Fléance. Le témoin des prédictions a disparu, mais celui qui en est un agent essentiel reste vivant, et laisse ouverte la place au spectre.
2) Macbeth et le spectre…