Lien social

Comment peut-on expliquer l’exclusion sociale aujourd’hui?

Introduction

A la fin des années 1990, une personne sur cinq était en situation de vulnérabilité sociale. Si la pauvreté et l’exclusion ne sont pas des phénomènes nouveaux, il est pour autant indéniable que leur importance croit depuis une vingtaine d’années dans notre société. cette tendance se traduit dans lesstatistiques, dans les discours politiques, dans des épisodes d’explosion sociale comme la France en a connu à la fin de l’année 2005 ou bien encore dans des actions, telle celle menée durant l’hiver 2006-2007 par l’association Les Enfants de Don Quichotte.
Bien qu’en partie liée, la pauvreté et l’exclusion doivent être distinguées. La pauvreté absolue qui est une insuffisance de ressources parrapport à un minimum jugé vital est à différencier de la pauvreté relative qui correspond à un niveau de ressources ne permettant pas de vivre de façon « normale » dans la société. L’exclusion, quant à elle, peut se définir comme une situation où le lien social est rompu, la personne n’étant pas ou plus intégrée.
Si l’influence de la dégradation du marché du travail depuis une vingtaine d’annéesen France semble jouer un rôle central dans l’importance prise par l’exclusion dans notre pays, il faut toutefois rappeler que les processus qui mènent à l’exclusion sont multiformes et cumulatifs. Cela doit nous conduire à nous interroger globalement sur l’affaiblissement des instances d’intégration, en incluant à notre réflexion non seulement la question du travail mais aussi celle de lafamille, du système de protection sociale ou bien encore de l’école.
Nous verrons ainsi dans un premier temps que certaines transformations du marché du travail ont une part importante de responsabilité dans l’augmentation du risque d’exclusion sociale aujourd’hui en France, puis nous montrerons en second lieu qu’un tel processus ne peut se comprendre que comme un phénomène multiforme etcumulatif.

I. Les transformations du marché du travail: un facteur essentiel pour explique le processus d’exclusion sociale en France aujourd’hui.

1. Le travail est un facteur d’intégration qui connaît des bouleversements importants depuis une vingtaine d’années:

a) Le travail: un déterminant essentiel du lien social

C’est à Emile Durkheim et à ses travaux sur les composantes dulien social que l’on doit la mise en évidence du rôle de déterminant du travail en la matière. Lorsqu’il publie en 1893 De la division du travail social, Emile Durkheim montre que dans les sociétés modernes le coeur de la problématique sociale est de faire face à l’accroissement démographique tout en préservant la cohésion sociale. Une population nombreuse ne peut pas coexister avec les mêmesliens, ni les mêmes règles que des groupes sociaux de petite taille. Le lien social est alors basé sur la complémentarité des individus à travers leur statut. Cela marque le passage de la solidarité mécanique à la solidarité organique. Ainsi, dans la société salariale actuelle, où neuf actifs sur dix sont salariés, la complémentarité naît du statut professionnel. Pour les sociologues contemporains,tel R. Castel, l’apport du travail à la construction du lien social tient à plusieurs mécanismes. Il apparaît en premier lieu que le travail confère un statut, une identité professionnelle qui est un moyen important d’identification des individus, au même titre que leur nom, leur lieu de résidence…En second lieu, le travail est la source du revenu et au-delà du pouvoir d’achat permettant l’accèsà la consommation. Il s’agit d’une fonction sociale centrale dans une société dite de « consommation », permettant à l’individu d’afficher son appartenance à tel ou tel groupe social. En troisième lieu, e^être salarié peut aussi signifier l’appartenance à un groupe plus restreint, porteur d’une identité significative. Cela peut être un métier, une appartenance syndicale ou l’identification à une…