L’europe en 1945
La Seconde Guerre mondiale prend fin en Europe avec la capitulation allemande
du 8 mai 1945. Le dénombrement des victimes, le constat des
dévastations, la révélation des horreurs de l’extermination, les problèmes
humains qui émergent un peu partout, soulignent, chaque jour davantage,
l’ampleur du désastre, chez les vaincus comme chez les vainqueurs.
Il conviendra donc tout d’abord de dresserle tableau matériel et humain de
cette catastrophe. Nous aurons également à nous interroger sur les conséquences
territoriales du conflit dans l’immédiat après-guerre en examinant
notamment de quelle manière les deux grands vainqueurs que sont les
États-Unis et l’URSS s’impliquent, chacun à sa manière, dans la construction
d’un nouvel ordre européen.
I. Une Europe dévastée
1. Un bilanhumain extrêmement lourd
La Seconde Guerre mondiale est, de loin, le conflit le plus meurtrier de l’histoire.
Sur un chiffre global qui avoisine 55 millions de victimes, l’Europe
fournit la plus grande part (plus de 60 %). Vainqueurs et vaincus rivalisent
dans l’ampleur de l’hémorragie : l’URSS a vu disparaître plus de 20 millions
de personnes, l’Allemagne 7,6 millions, la Pologne 5,8, laYougoslavie 1,8…
Ces saignées annoncent pour certains pays, comme l’URSS, de lourds
déséquilibres démographiques qui pèseront sur l’avenir.
Chose nouvelle, les victimes civiles sont aussi nombreuses que les militaires.
L’extension territoriale des combats, leur durée, leur acharnement, le
choix de privilégier les cibles urbaines, les perfectionnements croissants des
moyens de destruction – ycompris dans la mise au point par les nazis d’un
processus d’extermination systématique – expliquent la lourdeur du bilan.
Le tableau doit être complété avec le recensement des millions de blessés,
des populations affectées physiquement par les blessures de guerre, les privations
ou les mauvais traitements, des réfugiés jetés sur les routes de
l’exode (on estime leur nombre à 30 millions danstoute l’Europe au milieu
de l’année 1945).
Et pourtant, malgré la macabre comptabilité que s’imposent les survivants,
leur vision de l’avenir s’éclaire. La fin définitive des combats, la disparition
de la peur, le retour des combattants et des prisonniers, alimentent l’espoir
d’un renouveau dont le baby-boom qui s’amorce dans tous les États
d’Europe est une traduction éloquente.
2. Uncontinent matériellement ruiné
Les infrastructures économiques, les villes, les réseaux de communication,
ont terriblement souffert durant la guerre : il s’agissait, pour chaque puissance
combattante, d’affaiblir le potentiel adverse, mais aussi de terroriser
les populations. L’URSS a perdu 70 % de ses usines, la France 50 % de
son réseau ferré, l’Angleterre 50 % de sa flotte de commerce. Certainesvilles ont été transformées en champs de ruines (Dresde, Stalingrad,
Coventry…). Les pays occupés ont été soumis par les vainqueurs à des
ponctions souvent énormes : la France collaboratrice a alimenté abondamment
l’effort de guerre allemand par ses contributions matérielles et
financières, tandis que l’Allemagne vaincue a été à son tour très largement
pillée en 1945.
Dès lors, lareconstruction se révèle difficile : les pays dévastés vont devoir
affronter des phénomènes de pénurie, d’inflation, de marché noir. Malgré le
retour à la paix, l’organisation du rationnement ne peut être abandonnée
dans l’immédiat. L’Allemagne, écrasée par la défaite, est plongée dans le
désarroi économique et social de « l’année zéro ». Partout, les capacités de
production sont très affectées. Lesgouvernements doivent se résigner à
gonfler l’endettement. Ils en appellent au soutien matériel des Américains
qui continuent à dispenser l’aide qu’ils avaient consentie à leurs alliés dans
les temps de la guerre.
3. Un énorme traumatisme moral
L’arrivée des troupes alliées sur les territoires de la Pologne et de l’Allemagne
et l’ouverture des camps ont révélé la vraie nature du système…