Les vieux – jacques brel
Jacques BREL « Les Vieux »
Introduction
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Jacques Brel est à la fois auteur, compositeur et interprète belge, d’origine flamande (1929-1978) mais d’expression française, au ton mordant, critique, associé à une grande poésie. Ce texte s’inscrit dans une longue tradition qui fait de la chanson un domaine artistique authentique, qu’elle soit d’origine savante ou populaire. Parmiles troubadours des temps modernes, la postérité retiendra sans doute les noms de Juliette Gréco, Georges Brassens, Léo Ferré et de tous les chanteurs, qui, à partir des années cinquante, ont su s’éloigner des productions vulgaires et standardisées pour redonner du lustre à la chanson française. Cette chanson est noble, on peut la considérer comme un poème. Le thème de la fuite du temps fait partiedes hantises de Brel : pour lui l’âge d’or est l’enfance. C’est pourquoi Brel évoque sur un registre réaliste et pathétique la vie banale des « vieux ».
Lecture
Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux Même riches ils sont pauvres, ils n’ont plus d’illusions et n’ont qu’un cœur pour deux Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d’antan Que l’onvive à Paris on vit tous en province quand on vit trop longtemps Est-ce d’avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d’hier Et d’avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent aux paupières Et s’ils tremblent un peu est-ce de voir vieillir la pendule d’argent Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit : je vous attends Les vieux ne rêvent plus, leurs livress’ensommeillent, leurs pianos sont fermés Le petit chat est mort, le muscat du dimanche ne les fait plus chanter Les vieux ne bougent plus leurs gestes ont trop de rides leur monde est trop petit Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit Et s’ils sortent encore bras dessus bras dessous tout habillés de raide C’est pour suivre au soleil l’enterrement d’un plus vieux, l’enterrementd’une plus laide Et le temps d’un sanglot, oublier toute une heure la pendule d’argent Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, et puis qui les attend Les vieux ne meurent pas, ils s’endorment un jour et dorment trop longtemps
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Ils se tiennent par la main, ils ont peur de se perdre et se perdent pourtant Et l’autre reste là, le meilleur ou lepire, le doux ou le sévère Cela n’importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer Vous le verrez peut-être, vous la verrez parfois en pluie et en chagrin Traverser le présent en s’excusant déjà de n’être pas plus loin Et fuir devant vous une dernière fois la pendule d’argent Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui leur dit : je t’attends Qui ronronne au salon, qui dit oui quidit non et puis qui nous attend.
Etude I/ Une vision réaliste et pathétique de la vieillesse 1/ Une chanson réaliste
Brel utilise un terme péjoratif pour évoquer « les vieux » sans complaisance. Ce poème est une description des vieillards, de leurs occupations et de leur mode de vie. Brel insiste de manière récurrente sur la présence de la « pendule d’argent » dans le salon, emblème de la fuitedu temps. Les sensations olfactives sont évoquées au vers 3 : « Chez eux ça sent le thym le propre la lavande ». L’absence d’occupation rend leur vie bien terne : « Les vieux ne rêvent plus leurs livres s’ensommeillent leurs pianos sont fermés » (v.9), « le muscat du dimanche ne les fait plus chanter » (v. 10), « Du lit à la fenêtre puis du lit au fauteuil puis duis du lit au lit » (v.11) Breldécrit de manière réaliste leur aspect physique : il insiste sur le timbre de leur voix connotant leur vieillesse (« leur voix se lézarde » v. 5), leur état physique (« ils tremblent un peu » v.7) entraînant une absence d’occupation « Les vieux ne bougent plus leurs gestes ont trop de rides » (v.11), « s’ils sortent encore bras dessus bras dessous tout habillés de raide » (v.12).
2/ Une vision…