Les femmes
Beauté des femmes…
Beauté des femmes, leur faiblesse, et ces mains pâles
Qui font souvent le bien et peuvent tout le mal,
Et ces yeux, où plus rien ne reste d’animal
Que juste assez pour dire : «assez » aux fureurs mâles !
Et toujours, maternelle endormeuse des râles,
Même quand elle ment, cette voix ! Matinal
Appel, ou chant bien doux à vêpre, ou frais signal,
Ou beau sanglot qui vamourir au pli des châles !…
Hommes durs ! Vie atroce et laide d’ici-bas !
Ah ! que du moins, loin des baisers et des combats,
Quelque chose demeure un peu sur la montagne,
Quelque chose du cœurenfantin et subtil,
Bonté, respect ! Car, qu’est-ce qui nous accompagne,
Et vraiment, quand la mort viendra, que reste-t-il ?
Paul Verlaine, Sagesse (1881)
Verlaine, Paul (1844-1896)
Venu àParis, et fréquentant les cercles littéraires de la capitale, Verlaine fait ses débuts poétiques en participant au Parnasse contemporain. Quelques années de vagabondage avec Rimbaud s’achevent endrame lorsqu’il blesse son ami d’un coup de pistolet (1873). Son œuvre poétique, qui va de l’inspiration italienne des Fêtes galantes à la nostalgie de Sagesse, en passant par la dérision parodique, estdiverse et ne rend pas toujours compte d’une vie gâchée par l’alcoolisme et la violence. Le « Prince des poètes » meurt dans la misère, mais célébré comme un très grand poète.
Aux femmes
S’ilarrivait un jour, en quelque lieu sur terre,
Qu’une entre vous vraiment comprît sa tâche austère,
Si, dans le sentier rude avançant lentement,
Cette âme s’arrêtait à quelque dévouement,
Si c’était laBonté sous les cieux descendue,
Vers tous les malheureux la main toujours tendue,
Si l’époux, si l’enfant à ce cœur ont puisé,
Si l’espoir de plusieurs sur Elle est déposé,
Femmes, enviez-la.Tandis que dans la foule
Votre vie inutile en vains plaisirs s’écoule,
Et que votre cœur flotte, au hasard entraîné,
Elle a sa foi, son but et son labeur donné.
Enviez-la. Qu’il souffre ou…