Les avatars de l’enfant roi. entretien avec didier pleux

septembre 19, 2018 Non Par admin

Les avatars de l’enfant roi. Entretien avec Didier Pleux
Nourris de plaisirs immédiats, mis à l’abri des frustrations, les « enfants rois », garçons ou filles, peuvent s’avérer des individus fragiles et parfois tyranniques pour leur entourage.
Le XXe siècle a sonné l’heure de « la libération des enfants (1) »…
Fini le temps des fouets, férules et autres cachots où l’on enfermait lesrécalcitrants au pain sec et à l’eau… Dans les pays occidentaux, l’éducation conçue comme un dressage a laissé progressivement la place à un modèle éducatif dans lequel l’épanouissement et l’autonomie de l’enfant sont devenus des préoccupations centrales. Au tournant des années 60, ce modèle « expressif » a d’ailleurs été encouragé par la diffusion de la psychanalyse (et particulièrement en France parFrançoise Dolto) qui, en recommandant la permissivité, l’écoute, le respect de l’enfant, a mis en garde les parents contre tous les traumatismes qu’une éducation mal pensée pouvait occasionner, et par conséquent contre toutes les névroses qui guettaient ces futurs adultes…
Mais n’a-t-on pas poussé le balancier un peu trop loin, se demandent aujourd’hui certains éducateurs et psychologues ?Pour Didier Pleux, les enfants rois, garçons ou filles (dans ce domaine, la parité est respectée, nous affirme ce psychologue), se transforment parfois en véritables tyranneaux ou en petites reines qui perturbent leur entourage et se préparent à de multiples souffrances au fur et à mesure qu’ils doivent se confronter au monde (2)…
Sciences Humaines : Pouvez-vous donner une description de ceux quevous appelez les « enfants tyrans » ?
Didier Pleux : Avec l’enfant roi, on a donné un statut très fort à l’enfant : d’une part, avec les progrès matériels et la société de consommation, l’enfant devient gâté. D’autre part, il devient désiré, valorisé, stimulé et mis sur un piédestal. L’« enfant tyran » est issu de certains excès qui résultent de cette situation. Evidemment, les enfants ne sontpas tous ainsi, mais j’ai forgé cette expression pour décrire une tendance forte, que nous détectons de plus en plus dans nos consultations.
Cet enfant se rend compte qu’il a énormément de privilèges, qu’il domine le principe de réalité et qu’il est là pour exercer son principe de plaisir immédiat. Cet enfant qui a le sentiment d’être omnipotent va commencer à tyranniser son environnement. Ildevient alors rapidement, dans la famille, mais aussi dans sa socialisation, à la crèche puis à l’école, très offensif avec son milieu environnant.
Ce sont la plupart du temps des enfants qui vivent dans un contexte familial équilibré, qui reçoivent beaucoup d’affection mais qui ne se satisfont pas de ce qui leur est donné. Chez les bébés, cela se manifeste déjà au niveau de l’alimentation, dujeu… Au coucher par exemple, ils ne vont pas se contenter d’un câlin, ils vont en redemander encore et encore… Si, à ce moment, les parents pensent que c’est la relation qui est en jeu et qu’ils ne posent pas l’interdit, on assiste alors à des renforcements et une insatisfaction permanente de l’enfant qui réclame toujours plus de câlins, plus d’histoires, plus de jouets…
Que se passe-t-illorsqu’il grandit ? Vous parlez, entre 4 et 13 ans, de l’« enfant castrateur »…
Lorsqu’il grandit, cet enfant tyran a du mal à créer des liens avec les autres, si ce n’est pour son intérêt propre. Il reste centré sur lui et cherche à manipuler les autres (ses camarades, ses grands-parents…) pour son bénéfice personnel.
Or cette période (de 4 à 13 ans environ), que la psychologie classique aappelée la période de latence, est en fait une période de fortes turbulences : dès qu’il entre au CP, l’enfant est confronté à la nécessité des apprentissages scolaires, à l’émulation ou la compétition… Le principe de réalité devient très fort et l’enfant va se heurter à ce qu’il ne connaissait pas dans le monde relativement protégé de la maternelle, à savoir la frustration.
Depuis une dizaine…