Le vivant

janvier 5, 2019 Non Par admin

Un être vivant peut-il être assimilé à une machine ?

La distinction du naturel et de l’artificiel semble évidente. Un homme qui veut séduire une femme aurait-il l’audace de lui offrir un bouquet de fleurs artificielles ? Offrir ainsi à celle qu’on courtise une fleur artificielle, c’est comme lui promettre un amour de seconde main. L’artifice ici ne vaut pas. La vraie fleur estvivante. D’un autre côté, l’étude du vivant semble s’orienter vers une « démystification » de la vie : nous savons que le vivant et l’inanimé ont les mêmes composants élémentaires et que la vie a surgi de l’évolution géochimique et si le vivant nous apparaît encore d’une grande complexité, nous sommes de plus en plus capables d’expliquer son fonctionnement en ayant recours à des modèles mécaniques ou desexplications qui empruntent à la chimie.
Deviendrait-il alors légitime d’assimiler un être vivant à une machine ? Peut-on vraiment aller au-delà d’une simple comparaison lointaine ? Peut-on réduire la biologie à la physique et à la chimie ou faut-il continuer à penser, comme le faisaient les vitalistes, que les êtres vivants recèlent une particularité, un souffle de vie, un X mystérieux disaitBarthez, que les êtres inanimés n’auront jamais ?
La question qui nous est posée, comporte plusieurs enjeux essentiels : les différents modèles permettant d’expliquer le vivant peuvent-ils expliquer celui-ci en totalité ou n’en sont-ils que des modèles qui lui restent extérieurs, des modèles faits pour comprendre sans pour autant être décisifs ? Ces différents modèles peuvent-ils nous éclairersur les limites à imposer à la manipulation du vivant ? Réduire le vivant à ses causes physico-chimiques, c’est ouvrir la voie d’une explication strictement matérialiste de la réalité, y compris de la réalité humaine et de ses performances intellectuelles et morales. L’enjeu est donc ici clairement métaphysique. Il s’agit de savoir si les notions d’esprit ou d’âme ne sont pas de purs fantasmes.
La question peut paraître suspecte car il nous est facile de distinguer les êtres vivants de ceux qui ne le sont pas.Les êtres vivants ont des caractéristiques que nous connaissons tous : ils naissent, ils se nourrissent, croissent, se reproduisent, sont mortels. De façon un peu plus technique, les êtres vivants se définissent par la possession d’un degré minimal d’organisation en vertuduquel ils forment un tout composé d’éléments qui remplissent chacun des fonctions à la fois différentes et coordonnées, des fonctions synergiques, complémentaires. Par ailleurs, grâce à des phénomènes de nutrition, d’assimilation les êtres vivants assurent un renouvellement permanent de leur organisation. Ils sont capables d’assurer leur propre construction, conservation, régulation et mêmedans une certaine mesure réparation.
Jacques Monod, un de nos grands biologistes indique que trois caractéristiques doivent être présentes simultanément dans un être pour que celui-ci puisse être qualifié de vivant. Il s’agit tout d’abord de la téléonomie qui désigne le caractère finalisé des organes des êtres vivants. Ainsi, explique-t-il, un œil semble représenter l’aboutissement d’un projet :celui de capter des images. Jusque là l’être vivant ne saurait véritablement se distinguer d’une machine. Monod poursuit « Si nous comparions les structures et les performances de l’œil d’un vertébré avec celles d’un appareil photographique, le programme ne pourrait qu’en reconnaître les profondes analogies, lentilles, diaphragme, obturateur, pigments photosensibles: les mêmes composants nepeuvent avoir été disposés, dans les deux objets, qu’en vue d’en obtenir des performances semblables. »Mais les deux autres caractéristiques du vivant nous conduisent à ne plus pouvoir faire de confusion entre un être vivant et une machine. La morphogenèse autonome tout d’abord qui désigne la croissance du vivant, sa capacité à s’édifier par lui-même Jacques Monod souligne enfin une troisième…