Le roi se meurt
?Les actes IV et V de la pièce sont constitués d’un enchaînement de visites, comiques (M. Dimanche, Dom Louis) ou graves (Done Elvire, Dom Carlos), permettant toutes à Dom Juan de briller par quelquenouvelle arrogance : une condescendance déguisée en flatterie envers son débiteur bourgeois (IV, 3), un dernier sursaut de désir pour une femme qu’il avait abandonnée (IV, 6), une contrition feintepour rassurer son père (V, 1), une dérobade perfide face au garant de l’honneur d’Elvire (V, 3). La même attitude d’opposition orgueilleuse se retrouve face aux interventions surnaturelles des deuxdernières scènes : Dom Juan est celui qui nie, posture diabolique entre toutes, qui fait de lui un avatar humain de Lucifer, l’ange déchu.
Non content de reprendre tel quel le dénouement traditionnel del’histoire, Molière exagère à dessein les artifices spectaculaires. Il insère l’avertissement d’un spectre avant l’entrée de la statue du commandeur, et rentabilise les accessoires sonores et visuels(tonnerre en coulisse, foudre de pyrotechnie) peu utilisés jusqu’ici dans une pièce si vraisemblable : cette manière bien théâtrale de révéler l’arbitraire de la fin d’une vie, criminelle selon lesnormes sociales, trahit l’admiration de l’auteur pour son personnage.
C’est qu’il a façonné jusqu’au bout son Dom Juan en archétype de l’indépendance intellectuelle : chacune de ses répliquescontient au moins une marque de volonté – pronom sujet « je », particules d’affirmation (l. 20) ou de négation appuyée (« Non, non », l. 11 et 16), verbe vouloir (l. 7, 12), impératif (l. 17), gested’engagement personnel (« La voilà », l. 22) – et souvent l’indice d’une philosophie de la connaissance rationnelle (« connaître » l. 4, « voir ce que c’est » l. 7, « éprouver avec mon épée » l. 12) ; tous ceséléments formels se condensent pour finir dans l’énonciation d’une fierté irréductible (« il ne sera pas dit, quoi qu’il arrive… » l. 16).
Cette fierté fondatrice du personnage n’est pas ébranlée…