Le portrait ovale

octobre 3, 2018 Non Par admin

20

Académie de Reims Lycée Pierre Bayen > Première L1 Cours de Lettres > Pascal Vey

09/10
La Peinture et la construction du moi Photocopies
Objet(s) d’étude I. II. III. IV. V. Le roman et ses personnages : visions de l’homme et du monde. La poésie. Le théâtre : texte et représentation. L’argumentation : convaincre, persuader et délibérer. Un mouvement littéraire et culturel.

Séquence AVI.

L’autobiographie.
Les réécritures.

VII.

A. B. C. D.

Edgard Allan Poe (1809-1849), Le Portrait Ovale in Nouvelles histoires extraordinaires – 1845 Émile Zola (1840-1902), L’Œuvre – 1886 Marcel Proust (1871-1922), La Prisonnière, in À la recherche du temps perdu – 1923 Marguerite Yourcenar (1903-1987), Comment Wang Fô fut sauvé in Nouvelles Orientales – 1963

Lecture cursive[une œuvre au moins parmi les textes suivants] : ü Rousseau : Confessions, livre I à IV ü Sarraute : Enfance

A – Edgard Allan Poe (1809-1849), Le Portrait Ovale in Nouvelles histoires extraordinaires – 1845

4 8 12 16 20 24 28 32 36 40 44 48 52 56 60

Le château dans lequel mon domestique s’était avisé de pénétrer de force, plutôt que de me permettre, déplorablement blessé comme je l’étais,de passer une nuit en plein air, était un de ces bâtiments, mélange de grandeur et de mélancolie, qui ont si longtemps dressé leurs fronts sourcilleux au milieu des Apennins, aussi bien dans la réalité que dans l’imagination de mistress Radcliffe. Selon toute apparence, il avait été temporairement et tout récemment abandonné. Nous nous installâmes dans une des chambres les plus petites et lesmoins somptueusement meublées. Elle était située dans une tour écartée du bâtiment. Sa décoration était riche, mais antique et délabrée. Les murs étaient tendus de tapisseries et décorés de nombreux trophées héraldiques de toute forme, ainsi que d’une quantité vraiment prodigieuse de peintures modernes, pleines de style, dans de riches cadres d’or d’un goût arabesque. Je pris un profond intérêt, cefut peut-être mon délire qui commençait qui en fut cause, je pris un profond intérêt à ces peintures qui étaient suspendues non seulement sur les faces principales des murs, mais aussi dans une foule de recoins que la bizarre architecture du château rendait inévitables ; si bien que j’ordonnai à Pedro de fermer les lourds volets de la chambre, puisqu’il faisait déjà nuit, d’allumer un grandcandélabre à plusieurs branches placé près de son chevet, et d’ouvrir tout grands les rideaux de velours noir garnis de crépines qui entouraient le lit. Je désirais que cela fût ainsi, pour que je pusse au moins, si je ne pouvais pas dormir, me consoler alternativement par la contemplation de ces peintures et par la lecture d’un petit volume que j’avais trouvé sur l’oreiller et qui en contenaitl’appréciation et l’analyse. Je lus longtemps, longtemps ; je contemplai religieusement, dévotement ; les heures s’envolèrent rapides et glorieuses, et le profond minuit arriva. La position du candélabre me déplaisait, et, étendant la main avec difficulté pour ne pas déranger mon valet assoupi, je plaçai l’objet de manière à jeter les rayons en plein sur le livre. Mais l’action produisit un effet absolumentinattendu. Les rayons des nombreuses bougies (car il y en avait beaucoup) tombèrent alors sur une niche de la chambre que l’une des colonnes du lit avait jusque-là couverte d’une ombre profonde. J’aperçus dans une vive lumière une peinture qui m’avait d’abord échappé. C’était le portrait d’une jeune fille déjà mûrissante et presque femme. Je jetai sur la peinture un coup d’œil rapide, et je fermailes yeux. Pourquoi, je ne le compris pas bien moi-même tout d’abord. Mais pendant que mes paupières restaient closes, j’analysai rapidement la raison qui me les faisait fermer ainsi. C’était un mouvement involontaire pour gagner du temps et pour penser, pour m’assurer que ma vue ne m’avait pas trompé, pour calmer et préparer mon esprit à une contemplation plus froide et plus sûre. Au bout de…