Le mouvement queer ou comment penser la performativité

décembre 17, 2018 Non Par admin

Introduction de Trouble dans le genre édition de 1999.
Le mouvement Queer ou comment penser la performativité ?
Ce texte est l’introduction de l’édition de 1999 de Trouble dans le genre et permet à Butler de revenir dix ans plus tard sur son ouvrage et son impact dans le mouvement féministe.

Judith Butler, biographie et genèse du livre

Judith Butler est une philosophe US, professeur derhétorique et de littérature à Berkeley. C’est une des plus fameuses théoriciennes du mouvement queer, notamment au travers du célèbre Trouble dans le genre paru en 1989, en pleine naissance du mouvement queer. Même si à l’écriture de son livre, elle ne se pose pas en figure de proue du mouvement queer, elle le devient de fait.
Queer au départ c’est un terme anglais signifiant étrange et uneinsulte envers les homosexuels ou toute personne n’entrant pas dans la norme du genre. Le mouvement politique Queer nait à la fin des années 80 et renverse le stigmate. Il défend des identités sexuelles non-essentielles. Il revendique une position identitaire stratégique visant à faire des minorités et des identités sexuelles le lieu de la contestation des normes dominantes
Les recherches de Butler demême que son parcours biographique l’amènent donc à interroger les catégories de genre homme/femme et leur naturalisation par le langage : c’est la notion de performativité des genres. Elle fait par ailleurs sa propre socioanalyse dans l’introduction parue en 1999, et précise bien ce « chassé-croisé » entre sa vie privée ( enfance, famille, etc), son militantisme féministe et ses recherchesuniversitaires. Dans un souci de réflexivité, elle montre à quel point son engagement a eu une forte résonnance dans son travail. Dans Trouble dans le genre, Butler mène une réflexion d’autant plus inédite qu’elle se nourrit non seulement de sa propre expérience autobiographique mais aussi d’un corpus hétéroclite de lectures qui, comme elle le dit elle-même, «n’ont rien à voir les unes avec lesautres ».
Pour construire sa pensée, elle s’appuie sur la French Theory qui rassemble des auteurs traditionnellement lus séparément en France. C’est ainsi qu’elle s’inspire d’auteurs comme Lacan (ce qui peut expliquer ses détours psychanalytiques), ou encore Foucault. Mais aussi du poststructuralisme français – le post-structuralisme nuance l’effet de structure mis en avant dans le structuralisme -Elle en fait une lecture « américanisée » en tenant compte du contexte social – elle fait d’ailleurs référence à Bourdieu et à son concept d’habitus pour théoriser la performativité du genre, mais en appelle aussi aux Cultural Studies. Ici réside toute l’originalité de Bulter : ses nombreuses lectures plurielles lui ont permis de forger une pensée qui se situe au carrefour de plusieurs courantsintellectuels.
L’autre ouvrage très connu de Butler est Bodies that Matter : On the Discursive Limits of ‘Sex’. Après certaines critiques reprochant à Trouble dans le genre de ne s’attaquer qu’au langage, elle revient sur l’importance de la matérialité des corps dans sa réflexion.
D’où Butler part : la critique du French Feminism.
Dans Trouble dans le genre, Butler livre une critique assezvirulente du French Feminism en ce que ce dernier obéit à une vision essentialiste du féminisme, c’est-à-dire qu’il pose des différences naturelles entre hommes et femmes, bien qu’il présuppose la construction sociale de la hiérarchie des genres. Dans cette perspective dynamique marxiste, la conception du genre comme sexe social ne remet aucunement en question les catégories de genre, et peut parfoisaboutir à d’autres discriminations, comme à l’égard des transsexuels écartés du mouvement. Cette vision essentialiste conduit donc à l’homophobie et exclut certaines formes d’expression du/des genre-s (transsexualité, transgenre, etc) et n’ébranle pas l’hétéronormativité selon laquelle il y a des hommes d’un côté et des femmes de l’autre. L’exemple qu’en donne Bulter, assez emblématique, est…