Le keynesiannisme de keynes
Le keynésianisme de Keynes, par Nicolas Baverez
LE MONDE | 16.12.08 |
John Maynard Keynes est l’homme de l’année 2008. La crise du capitalisme mondialisé donne une singulière actualité à sesanalyses et à ses principes de politique économique, enterrés depuis la stagflation des années 1970, puis son dénouement par l’application des préceptes monétaristes à partir des années 1980.L’effondrement simultané du crédit, de l’immobilier et des marchés financiers débouche sur une configuration typiquement keynésienne. L’économie mondiale se trouve enfermée dans une situation de trappe àliquidités, où l’injection de fonds et la baisse des taux d’intérêt se révèlent impuissantes à relancer l’activité. Le blocage de la demande crée une spirale déflationniste qui installe un chômage permanent.Face à la paralysie des entreprises et des ménages qui, tétanisés par la peur de l’avenir, ne veulent ou ne peuvent plus investir et consommer, seul l’Etat dispose de la capacité d’emprunter et dedépenser.
Face à la crise, les pouvoirs publics se sont mobilisés avec une rapidité, une vigueur et un degré de coordination sans précédent. Une politique keynésienne mondiale a répondu au risquesystémique pesant sur les institutions financières et à la menace d’une déflation. En trois temps. Le sauvetage des banques à travers leur recapitalisation, la garantie de leur bilan et de leurs dépôts àhauteur de 1 800 milliards de dollars aux Etats-Unis et 1 900 milliards d’euros en Europe. La mise en place de plans de relance géants aux Etats-Unis, où Barack Obama a ressuscité le New Deal à traversun programme d’investissements publics de 800 milliards de dollars, soit 6 % du PIB, en Chine, où 600 milliards de dollars sont consacrés à stimuler la consommation des ménages, en Europe, où les Etatsprévoient de mobiliser 200 milliards d’euros. Le refus du protectionnisme acté par le G20, qui renoue avec l’esprit de Bretton Woods en 1944 – dont Keynes fut un des protagonistes majeurs -,…