Le juge judiciaire et l’administration
Le juge judiciaire et l’administration
Introduction
La règle de séparation des autorités administratives et des autorités judiciaires interdit aux tribunaux judiciaires, c’est-à-dire l’ensemble des juridictions soumises au contrôle de la Cour de Cassation, de connaître les litiges administratifs. Déjà existante sous l’Ancien Régime, avec l’édit de Saint-Germain de février 1641, cette règleest clairement affirmée par la loi des 16-24 août 1790 : l’art. 1 de cette loi dispose que « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives ; les juges ne pourront à peine de forfaiture troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs en raison de leurs fonctions. ».Dispositions solennellement rappelées cinq ans plus tard par un décret du 16 fructidor an III : «Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’elles soient. ». Ce principe est également réaffirmé par la décision « Conseil de la concurrence » du Conseil Constitutionnel du 23 janvier 1987. Cette stricte séparation s’explique par desconsidérations tant historiques que théoriques. D’une part, l’Assemblée Constituante garde le souvenir des refus d’enregistrement des lois édictées par le Roi sous l’Ancien Régime, et continue à se méfier d’un pouvoir judiciaire réputé conservateur. D’autre part, la séparation des pouvoirs implique que les litiges administratifs appartiennent au domaine du pouvoir exécutif ; le pouvoir judiciaire nesaurait donc y prendre part. La conséquence de ce principe est l’existence d’une juridiction administrative autonome ; l’arrêt Blanco (T.C, 8 février 1873) fonde la nécessité d’une juridiction administrative. Les compétences de la justice judiciaire et de la justice administrative sont donc bien distinctes. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’ordre judiciaire et l’administration sont totalementétanches ; en effet, le critère de compétence entre justice judiciaire et justice administrative est problématique. Le juge judiciaire est donc amené à statuer sur des litiges impliquant l’administration, et ce d’autant plus que la loi peut disposer la compétence du juge judiciaire dans certaines matières administratives. Nous verrons d’abord que tout acte administratif n’est pas nécessairementsoumis à la juridiction administrative. Plus encore, le juge judiciaire peut exercer un véritable pouvoir de contrôle sur les actes administratifs, visant à protéger les individus.
I. Malgré le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, le juge judiciaire peut être compétent dans des litiges impliquant l’administration
A. Certaines lois disposent la compétencejudiciaire en matière administrative
Le législateur a attribué le contentieux concernant certaines administrations au juge judiciaire pour différentes raisons.
1. Les attributions de compétence à la justice judiciaire en matière de responsabilité
– Loi du 5 avril 1937 sur la responsabilité de L’Etat à raison de fautes commises par des membres d’enseignement visant à substituer la responsabilitéde l’Etat à celle de l’enseignant en cas de dommages subis ou causés par les élèves. Cependant, c’est la justice administrative qui est compétente si c’est l’organisation de l’école en tant que service public ou l’état des bâtiments qui est en cause. Il s’agit ici de protéger les enseignants en cas d’accidents scolaires.
– Loi du 17 décembre 1957 sur la responsabilité des personnes publiques etdes entrepreneurs de travaux publics en raison de dommages causés par un véhicule : l’action de la victime est faite contre la personne publique, qui peut exercer ensuite une action récursoire contre l’agent en cause. Il s’agit ici de permettre un certaine unité du droit : en effet, on conçoit qu’il est préférable que tous les litiges concernant des dommages causés par des véhicules soient…