Le corps baroque

septembre 13, 2018 Non Par admin

Etude sur la représentation des corps saints dans la peinture religieuse, et en particulier les décors, des XVI – XVII siècles

Le corps est l’un des problèmes fondamentaux qui se posent à la culture occidentale et sans doute à toute culture humaine. La spécificité et la pertinence, en tant que signes susceptibles de produire du sens, des productions culturelles humaines, est le fait qu’ellessoient essentiellement, à titres divers, des productions de l’esprit.
Ainsi regardée comme « spirituelle », ou tout du moins intellectuelle, la culture humaine, semble privillégier ce qu’il est convenu d’appeler l’âme, ou l’esprit, en minimisant le corps qui la relierait un peu trop à la nature et à l’animal. Le corps dans cette perspective peut être perçu comme l’élément d’indifférenciation,ce qui ramènerait la spécificité humaine au désordre naturel. Cependant, si la culture humaine est essentiellement oeuvre de l’esprit, il n’en en pas moins vrai que l’esprit s’exerce dans et par le corps. Dès lors, la question reste de savoir comment articuler la spécificité « spirituelle » – sa dissemblance d’avec la nature – des cultures humaine et le « lieu » de sa possibilité absolue – saressemblance avec la nature – à savoir le corps.

Comme fait culturel, les diverses religions n’échappent pas à cette analyse, d’autant plus qu’elles accroîssent la charge de signification. Elles ne visent plus, en effet, simplement à organiser la nature et à s’en démarquer, mais elles se proposent, de la transcender et de la conduire vers un au-delà. La question du corps, dès lors, ne saurait seposer sans une nouvelle acuité. Chaque grand courant religieux va mettre en place un discours où, d’une manière ou d’une autre, la dichotomie et le débat entre le corps et, disons, l’âme sera une des thématiques.
Dans le christianisme, la problèmatique corporelle se pose comme un paradoxe. Il est à la fois l’unique religion où la divinité s’incarne et, à mille lieux que ce que peut être unavatar, prend véritablement un vrai corps, pour ne plus s’en départir, et à la fois une religion où, historiquement, le corps à été souvent traité comme un objet à dominer.

Toute notre culture occidentale à été marquée par ce débat, dont un des points forts fut la crise de l’iconoclasme. Existait-il ou non une possibilité de représenter des corps saints, ceux du Christ, de sa mère et des saints? Ledébat à été tranché précisèment avec l’argument de l’Incarnantion.
Il faut alors se demander qu’elle est la place spécifique qu’attribue le christianisme au corps et quelle est cette différence sémantique essentielle qu’il établit, depuis les origines, entre « corps » et « chair ». A l’analyse, la question est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. Le christianisme héritantde l’anthropologie juïve ignore la distinction grecque de « corps » et de « âme ». Sa pensée s’articule d’une autre manière, et le « corps » semble tenir une place plus important que dans tous les courants teintés de platonisme.
Si cela est vrai pour le christianisme des Ecritures et celui des origines, on ne peut nier que – pour reprendre une catégorie de J. Ellul – que le christianismehistorique se soit souvent éloigné de cet équilibre anthropologique, pour, par exemple, aboutir à cette maxime très XIXeme « Je n’ai qu’une âme qu’il faut sauver ».

Malgré cette opposition entre d’une part, le christianisme « théorique » ou scripturaire et, d’autre part, le christianisme historique, il nous semble qu’il existe, à l’intérieur même du christianisme historique, un champ qui permet deposer le débat en d’autres termes et d’offrir la possibilité de transcender l’oppositon. La mystique chrétienne offre, en effet, un domaine inépuisable d’étude sur le corps. Si l’on veut bien user de la notion de mimétisme, le mystique est celui qui imite le Verbe Incarné, qui vit « dans son corps ce qui manque à la Passion du verbe », qui dit son expérience, en des termes fortement corporels,…