L’assommoir de zola
Le texte témoigne d’une volonté de l’auteur d’offrir selon les principes de la doctrine naturaliste, une image fidèle de la réalité. Mais le réalisme chez Zola est constamment dépassé par l’imaginaire, par l’introduction d’images qui font d’un simple réalisme un réalisme poétique.
Nous étudierons les marques du réalisme et les menaces qui pèsent sur les personnages puis l’étude de la descriptionde l’alambic mettra en valeur sa fonction symbolique en tant que mythe narratif.
Les axes
1. La menace au milieu d’un décor réaliste
a. Une atmosphère populaire
Le texte plante le décor dans une atmosphère populaire notamment avec le personnage de Mes-Bottes. Son surnom rappelle l’origine populaire du personnage.
Zola emploie le style indirect et un langage argotique pour produire uneffet de réel et transcrire la verdeur des propos que tient ce personnage : « elle était bien gentille ! Dame ! il ne serait plus dérangé, ça aurait joliment remplacé les dés à coudre de ce roussin de père Colombe ! ». Zola le fait même jurer « Tonnerre de Dieu ! ».
Il retranscrit également au style indirect les propos des camarades de Mes-Bottes pour reproduire leur langage familier : « Et lescamarades ricanaient, disaient que cet animal de Mes-Bottes avait un fichu grelot, tout de même ».
b. Une atmosphère menaçante
Cette atmosphère populaire permet de construire un décor rassurant avec le rapport familier avec l’alambic, de nombreux signes de menace apparaissent aussi. La menace est indiquée de façon évidente à la fin du texte avec les propos de Gervaise au discours direct : « C’estbête, ça me fait froid, cette machine…la boisson me fait froid ». Il est intéressant de voir que la construction de cette phrase mime le malaise inexplicable de la jeune femme. En effet, la phrase est interrompue par des points de suspension (la phrase reste sans verbe « cette machine ») : elle montre que Gervaise est incapable de formuler clairement la menace, elle la pressent seulement. Laphrase précédente « Gervaise, prise d’un frisson, recula ; et elle tâchait de sourire » indique les marques de l’inquiétude du personnage au sein de son comportement. Cette menace latente s’explique par le phénomène de l’hérédité à laquelle est soumis l’individu. Fille d’alcooliques, Gervaise boira également.
c. La soumission à l’alcool
Le personnage de Mes-Bottes devient une figure symbolique dela soumission à l’alcool. Zola emploie des termes faisant référence au bien-être, à l’évasion : « bien gentille, de quoi se tenir le gosier au frais, pour sentir le vitriol encore chaud, l’emplir, il ne serait plus dérangé ». La répétition de « toujours » et l’emploi du mot « vitriol » indiquent clairement le pouvoir de destruction de l’alcool. La soumission de Mes-Bottes annonce de façonsymbolique la soumission de Gervaise qui se mettra à boire au chapitre 10 du roman.
Outre l’écriture réaliste, ce qui caractérise cet extrait est le dépassement du réalisme au profit d’une écriture poétique à travers la description de l’alambic.
2. La description de l’alambic
a. Une description réaliste
La première description de l’alambic est technique et réaliste. Coupeau décrit fidèlement àGervaise les mécanismes de fonctionnement de la machine : « le grand alambic de cuivre rouge, il lui expliqua comment ça marchait, indiquant du doigt les différentes pièces de l’appareil, montrant l’énorme cornue d’où tombait un filet limpide d’alcool, ses enroulements sans fin de tuyaux ». L’alambic n’est encore qu’un objet et cette description objective montre que les deux personnages ne sont pasencore soumis à l’alcool.
b. Le réalisme poétique
• Mais cette description objective est dépassée par l’intrusion du réalisme poétique. Ainsi nous passons immédiatement du stade mécanique au niveau de sens symbolique. De simple objet, l’alambic devient peu à peu un être vivant, une sorte de monstre inquiétant. Cela est rendu possible par l’emploi de la personnification : « mine sombre,…