La religion n’est-elle qu’une consolation infantilisante ?
1. Détermination du problème
1.1. Définitions
La religion au sens le plus large désigne l’ensemble des faits sociaux ritualisés tournés vers une dimension surnaturelle ou métaphysique.
Une consolation permet de dépasser les chagrins et les déceptions pour « repartir ».
1.2. Forme de la question
« N’est-elle que » : la question apparaît restrictive. Il ne s’agit pas de savoir si lareligion apporte aux uns une consolation infantilisante (alors qu’elle apporte aux autres quelque chose de très différent), mais de décider si elle se résume à cela.
« Consolation infantilisante » présente aussi une connotation passablement négative, pour ne pas dire brutalement polémique. Il s’agit de savoir si le fidèle se retrouve, par la consolation religieuse même, réduit à la condition depetit enfant cajolé. Plus grave, elle laisse entendre une forme d’escroquerie mentale, comme si la religion exacerbait les chagrins pour mieux les consoler, subordonnant ainsi les esprits à son autorité.
1.3. Relations entre les termes
Un sous-entendu oriente la question : avant l’expérience religieuse, l’individu rencontrerait des chagrins dont il parviendrait à se consoler dans lareligion ; mais dans le même temps, elle le réduirait à un statut infantile.
Le problème se situe à ce niveau. Les chagrins dus à l’expérience (adulte) de la vie nous poussent-ils à chercher dans la religion (c’est-à-dire dans l’expérience du groupe social « soudé » dans une même croyance) une consolation immature ? La religion se résume-t-elle à cette régression volontaire des soucis de l’adulte versles insouciances enfantines ?
2. Réponse spontanée et réponse paradoxale justifiées
Du fait même qu’elle s’oriente vers des explications surnaturelles ou irrationnelles, la religion empêche d’emblée tout recours à la raison. Elle flatte notre désir de merveilleux, et par là même nous console du désenchantement du monde, lequel constitue la racine commune de tous nos chagrins.
Aucontraire, on peut soutenir que la religion en tant que fait social ritualisé entraînant des contraintes d’ordre moral accroît la responsabilité de l’individu, et ainsi, loin de l’infantiliser, non seulement ne le console pas, mais encore l’oblige à (se) donner toujours plus.
Deux remarques : primo, les questions explicitement polémiques (comme celle-ci) facilitent beaucoup la mise en tension du I etdu II. De la sorte, vous pouvez vous réserver pour le III. Secundo, il peut être difficile, face à un sujet aussi connoté, de se départir de ses pratiques personnelles. Je tiens à rappeler que les opinions du correcteur ne compte pas dans l’évaluation de la copie. Un professeur athée peut couronner une copie croyante, et inversement. Votre seul souci doit être de ne pas verser dans le prosélytisme.Ni bigoterie bien-pensante et gnangnan, ni festin de curés sur le thème : « il faudrait tous les abattre. »
3. Argumentation de la thèse et de l’antithèse
3.1. Thèse : la religion nous prend vraiment pour des gamins
Parce que la croyance précède la science, parce que les « explications » surnaturelles n’expliquent en fait rien du tout, parce que les dogmes réclament du croyant uneadhésion irrévocable (voir les analyses de Durkheim à ce sujet, dans ce cours), parce qu’elle commande l’obéissance du fidèle qui doit plier le genou devant le sacré, il est clair que la religion, aussi bien dans sa visée « supra-sensible » que dans sa dimension sociale normative, empêche (ou du moins neutralise) la pensée individuelle, la réflexion personnelle, l’analyse critique.
L’interruption duraisonnement au profit de représentations fantastiques se présente comme un des modes de pensée des enfants. Confrontés à des phénomènes inconnus ou effrayants, ils leur imaginent aussitôt des causes merveilleuses. Tout au contraire, la maturité consiste à faire refluer le merveilleux dans l’imaginaire, et de l’éclipser du réel.
(Ici une remarque : dans cette partie, vous plaiderez qu’un…