La religion est-elle sans raison ?
La religion est-elle sans raison ?
Le terme religion est sujet à controverse. En effet, deux étymons sont en concurrence. Religare ou religere ? Le premier verbe signifie attacher, relier : la religion serait un lien entre les hommes et les dieux. Pour Cicéron, cette origine n’est pas satisfaisante. Le mot religio dérive selon lui de religiere recueillir, réfléchir. Cette deuxièmeinterprétation laisse présumer que religion et raison n’était, de prime abord, nullement destinées à s’opposer. Pourtant de nos jours, on ne cesse de s’interroger sur la complémentarité ou l’antagonisme de ces deux termes. Le fait qu’à l’heure actuelle il ne soit nullement possible de prouver scientifiquement l’existence d’une puissance supérieure est une des origines de ce conflit. Mais ce qui n’est pasdémontrable mathématiquement peut-il pour autant être jugé déraisonnable ? De surcroit, le mot raison recouvrant plusieurs sens, le sujet peut-être soumis à autant d’interprétations. Dès lors, il semble pertinent d’aborder le sujet en s’interrogeant sur ce qui justifie le phénomène religieux en lui même (I), puis de continuer en étudiant les causes de ce « divorce » entre la religion et la raison, entant que capacité de discernement (II), enfin nous étudierons l’hypothèse d’une éventuelle conciliation de ces deux concepts, ou comment la raison peut-elle être au service de
la foi (III).
Les principaux mythes théogonique (« portant sur l’origine des dieux ») et cosmogoniques (« portant sur l’origine du monde ») nous ont été transmis par Hésiode dans la Théogonie.
Avant toute chose existaitl’immensité vide, le Chaos, d’où sont issus Gaïa (la Terre) et le fils qu’elle a engendrée seule, Ouranos (le Ciel). Très tôt, la religion grecque personnifia les concepts et les forces. Déméter était la déesse de la terre nourricière, Héphaïstos le dieu du feu et des volcans, Poséidon dieu des eaux, Eole roi des vents, etc… Tout porte à croire que cette religion fut en quelque sorte« fabriquée » afin de donner des réponses à des questions auxquelles le savoir des Grecs ne pouvait répondre. Xénophane remet en cause ces croyances en attaquant par exemple l’anthropomorphisme de cette religion « Mais les mortels pensent que les dieux naissent, qu’ils ont des vêtements, une voix et une forme semblable aux leurs ». Il poursuit « Si les boeufs, les chevaux et les lions avaient des mains etpouvaient dessiner avec leurs mains et produire des oeuvres d’art comme les hommes, les chevaux dessineraient les formes des dieux pareilles aux chevaux et les boeufs pareils aux boeufs. ». Les hommes auraient donc façonné Dieu à leur image, et non l’inverse, comme le prétend la Genèse. La société produit la religion dont elle a besoin. Les hommes cherchent dans la religion des réponses à des questionsexistentielles. La forme de cette religion est ensuite façonnée par les cultures. Si les rites et les conceptions diffèrent, la croyance reste la même. Cette volonté étant universelle, la religion crée un lien entre les hommes, une sorte de cause commune.
La différence entre le savoir et la croyance est fondamentale, alors que l’un fait appel à des faits précis, démontrés, l’autre ne se semblereposer sur rien, elle est, tel le dogme à prendre telle qu’elle est, sans qu’aucun questionnement ne surgisse. Pourtant si cette religion avait-été fabriquée de toute pièce par l’Humanité, les hommes ne douterait pas de l’existence de Dieu, ou plutôt de sa non-existence. Or, il s’avère que de tous temps les hommes se sont interrogés à ce propos, même si il est vrai que pendant longtemps, les voixdissidentes n’avaient pas leur place dans une société ou Eglise et Etat ne faisait qu’un. Après les deux guerres mondiales, ces interrogations prirent différentes formes, le nouveau roman en littérature, le dadaïsme et le surréalisme en peinture. C’est moins Dieu que l’Homme ici, qui est remis en question, mais remettre l’Homme en question ne revient-il pas à douter d’un hypothétique…