La france entre l’empire et l’europe, 1950-1962
La France entre l’Empire et l’ Europe, 1950-1962
Le 7 novembre 1954, alors que les premiers attentats viennent d’ensanglanter les trois départements algériens, le ministre de l’Intérieur François Mitterrand rappelle ce qui en métropole apparaît alors comme une évidence : « L’Algérie, c’est la France et la France ne reconnaîtra pas, chez elle, d’autre autorité que la sienne. ».Présente sur le sol africain depuis 1830, la France demeure au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale une puissance coloniale de premier ordre, implantée à la fois en Afrique (Algérie, AOF, AEF, Corne de l’Afrique et Madagascar, sans oublier les protectorats tunisien et marocain), en Asie (comptoirs de l’Inde et Indochine) et dans le Pacifique (Nouvelle Calédonie, Polynésie). Et si elle connaîtdepuis 1945 certaines difficultés à se maintenir en Asie, elle entend bien conserver un Empire qui lui assure à la fois un approvisionnement en matières premières à moindre coût et un débouché privilégié pour une partie de sa production manufacturière. Parallèlement, le Plan Schumann prélude dès 1950 à une coopération économique avec ses voisins et partenaires européens avec la Communauté européennedu charbon et de l’acier. En 1962, alors que les Accords du 19 mars marquent la fin de la Guerre d’Algérie, la France s’affirme comme l’un des piliers de la Communauté économique européenne et s’engage dans la Politique agricole commune.
Entre 1950 et 1962, la France se trouve donc confrontée à un choix stratégique, entre un Empire sur lequel reposait une large partie de sa puissancedésormais largement contestée et une Europe apparaissant comme un espace possible de paix et de développement économique. Alors que ce choix engage largement son avenir de (grande) puissance, quelles sont les alternatives qui se présentent à elle ? Dans quel contexte et à quelles conditions est-elle prête à se défaire de ses colonies et/ou à s’engager dans un processus européen dans lequel elle craint deperdre sa souveraineté ? Plus largement, dans quelle mesure est-elle véritablement maîtresse de son destin, alors que des projets politiques, en métropole comme dans les différents territoires d’outre-mer, émergent et parfois s’opposent ?
C’est ce que nous proposons d’analyser en étudiant successivement les prémisses d’une action européenne concertée alors même que la France est en passe deperdre l’Indochine, puis le délitement de l’Empire français d’Afrique concomitant à la création d’une Communauté européenne qui apparaît désormais comme un futur possible, enfin les modalités du désengagement colonial et de l’achèvement de la conversion européenne de la France gaulliste.
I – Une France tiraillée entre projets européens et tensions coloniales, 1950-1954 :
Puissancecoloniale de 1er plan, la France voit pourtant son emprise contestée, en particulier en Indochine, alors même que la réconciliation des anciens belligérants de la 2GM, si elle semble possible autour d’un projet économique (la CECA), s’avère plus difficile lorsqu’il s’agit de mettre sur pied une armée européenne (la CED).
A – La Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) :
Initiativeconcertée de Robert Shumann et du chancelier ouest-allemand Conrad Adenauer et volonté affichée de réconcilier la France et l’Allemagne autour d’un projet commun présenté au Conseil des ministres le 9 mai 1950 ; alliance du charbon allemand et du minerai de fer français pour fabriquer de l’acier (à vocation civile et non plus militaire).
Extension du projet aux 4 autres voisins de la France(Italie et Bénélux) par le Traité du 18 avril 1951 et mise sur pied d’une organisation européenne supranationale dont la France apparaît comme la cheville ouvrière ; ambition européenne de la France et espoir d’une réunion des pays européens autour de « solidarités de fait » (R. Schumann).
B – L’empire qui vacille : perte de l’Indochine :
Difficile reprise en main de l’Indochine après la…