La fièvre de l’évaluation
La fièvre de l’évaluation
L’évaluation est devenue omniprésente, qu’il s’agisse de recherche ou de soins, d’individus ou de lois. Célébrée ou critiquée, elle est érigée en priorité des politiques publiques.
Une culture de l’évaluation??
Qu’ont en commun l’enfant en maternelle, le ministre, le chercheur, le médecin ou encore le policier?? Ils peuvent aujourd’hui être «?évalués?». Lesévaluations, en complément et en développement des traditionnelles notations et appréciations, se sont implantées particulièrement dans l’éducation. Les élèves sont évalués, mais aussi les enseignements, les écoles, les systèmes éducatifs nationaux. Nombre de controverses techniques et de discussions de parents étonnés accompagnent cette généralisation de l’évaluation des élèves. Des polémiques tout aussinourries accompagnent les discussions sur les évaluations des enseignants-chercheurs (article Peut-on évaluer la recherche ? ci-dessous) comme celles sur les programmes éducatifs et leurs résultats (encadré Éducation : des comparaisons internationales réductrices ou révélatrices ? ci-dessous).
Depuis une trentaine d’années, l’évaluation s’est affirmée dans le cadre d’un puissant mouvement deréforme des politiques publiques. Après les risques et les investissements, on évalue maintenant les hôpitaux, les chercheurs, les universités, les services de sécurité, les psychothérapies. De l’évaluation individuelle des aptitudes et des compétences à l’évaluation par les parlementaires, les experts et les usagers de politiques sanitaires, tout est devenu objet potentiel d’évaluation.
On est mêmepassé à une «?culture de l’évaluation?» répandue dans de nombreux domaines. Si le principe de l’évaluation (consistant à mettre en évidence la valeur d’un service ou d’une relation) n’est généralement pas contesté, la dérive gestionnaire qui peut l’incarner est très souvent rejetée. Il s’ensuit qu’évaluation rime autant avec rationalisation (attendue par les évaluateurs) qu’avec exaspération(vécue par les évalués). Cette affirmation progressive de l’évaluation suscite les espoirs de ceux qui en attendent une amélioration des activités humaines. Elle soulève également des critiques, voire des disputes virulentes, car tout ne serait pas évaluable. Au fond, la question de l’évaluation revient à une problématique assez classique. Elle s’incarne en une formule connue, sans paternité bienétablie?: ce qui a de la valeur n’a pas toujours de prix, et ce qui a un prix n’a pas nécessairement de valeur. Une des premières tensions de l’évaluation est en effet son penchant pour la quantification.
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Qu’est-ce qu’évaluer??
Pour les économistes ou les comptables, évaluer c’est d’abord estimer, sans nécessaire appréciationpolitique. Pour les ingénieurs, l’évaluation c’est la mesure, d’essence technique, physique et mathématique. Pour les professeurs, évaluer c’est émettre une appréciation, souvent incarnée par la note. Or l’évaluation ne saurait se limiter à la notation.
L’opération d’évaluation consiste, financièrement, à calculer une valeur d’après des données et des critères déterminés. Concrètement, évaluer c’estd’abord chiffrer ce que vaut en argent un bien, un avantage ou un dommage. Terme maintenant plus général qu’estimation ou appréciation, l’évaluation n’est plus seulement une seule mesure de coût, de résultat ou de conformité. C’est un ensemble de procédés pour que des évaluateurs puissent formuler une opinion, voire un jugement, sur l’adéquation d’un programme, d’une politique, d’une activité,avec les objectifs qui leur sont fixés.
L’évaluation n’est pas une discipline avec ses approches et ses méthodes formatées?: elle a pour visée essentielle d’être un outil d’aide à la décision. Sous couvert d’objectivité voire de scientificité, elle est d’abord un instrument de gestion.
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Quand est-elle apparue??
Les…