La construction économique des etats modernes en europe
Frouville, Antoine Robert, Mr, Acad, Political Economy, France : La construction économique des Etats modernes en Europe [A4]
Attention : les notes sont indiquées par des chiffres entre () et sont placées à la fin du texte
INTRODUCTION.
Qui sont les acteurs de la vie économique ? A l’évidence, l’Etat en est un d’importance. Posons dons la question des origines de l’Etat moderne et desa fonction.
La période qui va du XVIe au XVIIIe siècle en Europe de l’Ouest coïncida avec le développement d’un capitalisme pré-industriel et avec la construction d’Etats de plus en plus puissants et centralisés, sous l’égide de monarchies absolues, protectionnistes et interventionnistes. Les fondateurs de l’Economie Politique étaient au service de ces souverains. Ils tentaient de répondre àdes questions pratiques, et partielles, concernant le commerce, la monnaie, les prix, l’emploi, la fiscalité et autres, sans jamais tenter de construire un système d’analyse global. A. Smith inventa la notion de doctrine mercantiliste pour déconsidérer ses prédécesseurs en Economie Politique. Une telle doctrine n’a jamais vraiment existé.
Selon E. Heckscher, l’Etat est à la fois sujet et objet dela politique économique mercantiliste. Il cite Gustav Schmoller (de Das Merkantil system, 1884) qui parle « d’une reconstruction totale de la société et de son organisation, de l’Etat et de ses institutions, grâce à la substitution de l’économie politique locale et provinciale, par celle de l’Etat et de la nation ». Quelle en fut la nécessité? C’est cette question partielle, et non pas celle del’Etat en soi, qui va nous intéresser.
Les premiers Etats nationaux, leurs compagnies de commerce international, protégées par des armées, marines et douanes, furent les facteurs indispensables de la réussite économique des pays de l’Europe de l’Ouest.
Il est vrai qu’à partir des analyses partielles d’auteurs mercantilistes, il est possible, à postériori, de reconstruire un système d’analyseglobale. Peu d’économistes s’y sont intéressés. Citons Elie Heckscher(1), Joseph A. Schumpeter(2), J. M. Keynes qui en proposa un court modèle littéraire(3), et plus modestement, Henri Denis(4).
Ière PARTIE : LES PRATIQUES MERCANTILISTES SONT-ELLES PERIMEES ?
Ce n’est pas sûr. Leurs objectifs étaient: I – La recherche prioritaire de la puissance politique. II – Le commerce international,comme source d’enrichissement? . III – Construire l’Etat.
I – L’économie au service de la puissance politique.
L’Etat a-t-il inventé le capitalisme, ou le capitalisme a-t-il inventé l’Etat? F. Braudel pose la question et refuse de trancher. Comment l’Etat pourrait-il dominer l’économie? Joseph Schumpeter est libéral quand il explique l’agressivité des Etats naissants par la persistance dela domination aristocratique(5) :
“L’objectif incontesté de la politique était la richesse et la puissance de l’Etat; celui de la politique économique était d’obtenir – pour les dépenses de la Cour et de l’armée – le maximum de revenu public; celui de la politique étrangère était la conquête.”… “De même, si nous désirons les comprendre, nous ne devons jamais oublier qu’à peu près tous cesauteurs écrivaient avec des arrière-pensées de guerre et de conquête.” … “Le système économique qui en résulta fut un système d’économie planifiée; et planifiée essentiellement en vue de la guerre ». L’analyse de Heckscher n’est pas très différente et il tente de déterminer l’essence de ce système de puissance : “Il est naturel de considérer le mercantilisme comme le système économique du nationalisme. »Il répond à une ‘objection possible: “L’objectif de puissance est-il conçu comme un but en soi , ou bien comme un moyen pour obtenir autre chose, le bien-être national, par exemple? Les auteurs mercantilistes, en majorité, conçoivent leur doctrine comme un moyen pour imposer une politique économique mise au service de la puissance (8)”. Il s’agit de se renforcer en affaiblissant ses rivaux….