La collégialité

novembre 22, 2018 Non Par admin

Sujet : La collégialité

Le principe de collégialité désigne le fait qu’une affaire soit jugée par plusieurs juges, siégeant et délibérant ensemble. Ce mode de composition des juridictions possède de multiples avantages, il trouve cependant dans la pratique une application contrastée. Pourtant, selon le célèbre adage « juge unique, juge inique », l’unicité du juge est, ou peut être, sourced’iniquité, ce qui peut au demeurant sembler paradoxal dans un pays où domine l’image de Saint Louis rendant justice sous son chêne, archétype du juge unique. La collégialité est présentée classiquement comme un rempart contre l’arbitraire du fait notamment de la méfiance à l’égard des juges que le droit français tient de la Révolution. Montesquieu a même écrit que « le magistrat unique ne pouvaitavoir lieu que dans le gouvernement despotique ». La collégialité est ainsi traditionnellement perçue comme une garantie importante des droits de la défense en ce qu’elle diminue le risque de partialité du juge et suscite un débat entre les magistrats. Il s’agit ainsi de limiter les erreurs, de rendre une justice plus éclairée et de meilleure qualité. La collégialité permet en effet au magistrat de seformer et d’enrichir sa réflexion au contact de ses collègues. Elle lui assure en outre une protection qui garantit la sérénité des délibérés et l’indépendance de sa décision. Corrélativement, la collégialité assure au justiciable une décision mesurée, peu susceptible d’avoir été influencée par la partialité d’un juge, et dotée d’une plus grande autorité. Le professeur Roger Perrot observe ainsi,dans son ouvrage consacré aux institutions judiciaires, que « le système du juge unique ne peut fonctionner correctement que si, au moment de son entrée en fonction, le juge a déjà une formation professionnelle consommée et une maturité d’esprit suffisante pour être en mesure de statuer seul sur des problèmes complexes »1. La commission d’enquête parlementaire sur l’affaire dite d’Outreau avaitd’ailleurs proposé l’instauration de la collégialité au stade de l’instruction en estimant « nécessaire » le « concours de compétences et d’expériences diverses » et pensant que « la collégialité doit être comprise comme la volonté d’instituer le plus en amont possible de la procédure pénale un travail d’équipe, pour faire échec le plus tôt possible à tout risque d’erreur ». En procédure pénale, plusque dans d’autres procédures, le principe reste celui de la collégialité, mais il faut nuancer l’affirmation, car il n’a pas valeur constitutionnelle. La collégialité ne constitue même pas un droit pour le justiciable. Il s’agit plutôt d’un mode d’organisation traditionnel de nos juridictions. D’ailleurs, à toutes les époques, le droit français a vu cohabiter des juges uniques et des formationscollégiales. La Révolution a instauré le juge de paix, juge unique, qui est l’ancêtre de notre actuel tribunal d’instance. De nos jours, le principe reste la collégialité (C. org. jud., art. L. 212-1 concernant le TGI).
Paradoxalement, aucun texte ne pose la collégialité en principe. Le législateur peut donc y porter atteinte. Du reste, le principe ne concernait pas, jusqu’à la loi du 5 mars 2007,l’exercice de certaines fonctions, par exemple l’instruction qui était traditionnellement confiée, au premier degré en tout cas, à un juge unique. Ensuite, même pour la fonction de jugement, la collégialité n’est pas une règle absolue : le tribunal de police siège à juge unique pour les contraventions de police, le juge des enfants prononce certaines mesures de sûreté. Surtout, le législateurcontemporain a inauguré, en 1972, une possibilité de juger à juge unique en matière correctionnelle. La collégialité apparaît en définitive comme une réalité à géométrie variable qui connaît tantôt des avancées incontestables, tantôt des retours en arrière qui ne sauraient être niés. Aussi, plutôt qu’un bilan, ce
ont plusieurs bilans qu’il convient d’établir en considérant tour à tour la…