La chartreuse de parme
Nous avouerons que notre héros était fort peu héros en ce moment. Toutefois la peur ne venait chez lui qu’en seconde ligne ; il était surtout scandalisé dece bruit qui lui faisait mal aux oreilles. L’escorte prit le galop ; on traversait une grande pièce de terre labourée, située au-delà du canal, et ce champétait jonché de cadavres. – Les habits rouges ! les habits rouges ! criaient avec joie les hussards de l’escorte. Et d’abord Fabrice ne comprenait pas ; enfin ilremarqua qu’en effet presque tous les cadavres étaient vêtus de rouge. Une circonstance lui donna un frisson d’horreur ; il remarqua que beaucoup de cesmalheureux habits rouges vivaient encore, ils criaient évidemment pour demander du secours, et personne ne s’arrêtait pour leur en donner. Notre héros, forthumain, se donnait toutes les peines du monde pour que son cheval ne mît les pieds sur aucun habit rouge. L’escorte s’arrêta ; Fabrice, qui ne faisait pas assezd’attention à son devoir de soldat, galopait toujours en regardant un malheureux blessé. – Veux-tu bien t’arrêter, blanc-bec ! lui cria le maréchal des logis.Fabrice s’aperçut qu’il était à vingt pas sur la droite en avant des généraux, et précisément du côté où ils regardaient avec leurs lorgnettes. En revenant seranger à la queue des autres hussards restés à quelques pas en arrière, il vit le plus gros de ces généraux qui parlait à son voisin, général aussi, d’un aird’autorité et presque de réprimande ; il jurait. Fabrice ne put retenir sa curiosité ; et, malgré le conseil de ne point parler, à lui donné par son amie