La cantatrice chauve
M. et Mme Smith ont invité à dîner M. et Mme Martin. Surviennent la bonne et le capitaine des pompiers. Chacun rivalise d’absurdité. Les propos s’enchaînent. À la fin, les deux couples, retombés enenfance, se disputent en prononçant des sons incompréhensibles. Voilà, dit Ionesco du « théâtre abstrait. Drame pur. Anti-thématique, anti-idéologique, anti-réaliste-socialiste, anti-philosophique,anti-psychologie de boulevard-anti-bourgeois, redécouverte d’un nouveau théâtre libre ». C’est donc en effet une « anti-pièce », s’opposant à toutes les traditions dramatiques répertoriées.Ionesco a lui-même révélé la source première de son texte : c’est la méthode Assimil d’anglais, dont les dialogues didactiques, mais décousus, lui ont paru tout à fait propres à illustrer le videdes conversations ordinaires. Et de fait, cette origine se retrouve dans le texte. Les motifs de la vie quotidienne, la nourriture, la maison, l’heure, les liens de parenté, l’insistance grammaticalesur les négations, les comparatifs et les superlatifs, les expressions idiomatiques, les faits de langue et de civilisation, retravaillés bien sûr par le dramaturge, rappellent effectivement le manueld’apprentissage linguistique.
Il serait vain de caractériser des personnages dépourvus de toute psychologie, aux noms banalement significatifs, M. et Mme Smith, M. et Mme Martin. Cesderniers sont à ce point vides d’intérêt, qu’ils en ont même oublié qu’ils se connaissent évidemment. La bonne s’appelle Mary, se prend pour Sherlock Holmes, et récite le poème le plus nul que l’Angleterreait jamais ouï à ce jour. Le capitaine des pompiers qui « a, bien entendu, un énorme casque qui brille et un uniforme », est à la recherche de quelque petit feu à éteindre.
Le langagedramatique hilarant de la pièce hésite entre tautologie et contradiction, avec cette famille Watson dont tous les membres s’appellent Bobby, la pendule qui « indique toujours le contraire de…