La ballade des pendus
I – Le rapprochement de plusieurs mondes
1- La situation d’énonciation
– Emploi du pronom « nous » pour évoquer l’énonciateur : « nous » désigne les pendus (1-12;15-17) ou leurs os (8), l’énonciation prend alors la forme d’une prosopopée. « nous » désigne je + d’autres. Le fait que « je » ne soit pas mis ici en exergue fait de ce poème un lyrisme particulier, pourtant le titre du poème «épitaphe Villon » nous amène à identifier le poème comme le dernier discours d’un des pendus : Villon.
– Présence d’un double destinataire : le lecteur « frères humains » (1-11), « vous » et « tous » (31), « hommes » (34), mais aussi Dieu, mentionné dans l’envoi (31).
=> Le poème est un discours d’outre-tombe, les morts parlent tels des vivants.
2- Appel à la compassion
– Evocation dessouffrances endurées (champ lexical de la souffrance) « notre mal » (9), « les yeux cavés » (23), « arraché la barbe et les sourcils » (24), « plus becqueté d’oiseau que dés à coudre » (28).
– Lexique de l’affectivité « n’ayez les coeurs contre nous endurcis » (1), « pitié » (3), « mercis » (4) et rejet de l’indifférence et de la moquerie (9-11/12-19-34).
=> Cet appel à la compassion conduit à unrapprochement du destinataire et du locuteur.
3- Villon, porte-parole
– Le poème est structuré par la présence de connecteurs logiques qui révèle son caractère argumentatif. Le discours est moins tourné vers l’intériorité du locuteur qu’ouvert à d’autres destinataires.
– Les effets de rapprochement entre locuteurs et destinataires font que Villon apparaît d’abord comme le porte-parole despendus, puis celui de tout condamné à mort et finalement de toute personne amenée à vivre l’expérience de la mort.
=> Villon se présente donc dans ce poème comme un porte parole.
Épitaphe Villon marque le rapprochement de plusieurs mondes, celui des vivants et celui des morts, allant parfois, nous le verrons, jusqu’à les intervertir.
II – Portée esthétique du poème
1- Appel désespéré,sort incertain
– Effet expressif produit par les procédés d’insistance (accumulations, emploi du passé composé, et du présent (8-27) – valeur durative du présent et événement passé dont les effets sont encore sensibles dans le présent pour le passé composé – structure comparative (28))
– Evocation des suppliciés qui s’apparente à une plainte, locuteurs présentés comme des victimes impuissantes(locuteurs désignés par des pronoms en complément d’objet et en sujet de phrases négatives + compléments de temps insistants sur la durée du châtiment : « piéça » (7), « jamais nul temps » (25), « sans cesser » (27))
=> Locuteurs lancent un appel désespéré qui apporte une sensibilité esthétique au poème
2- Évocation des suppliciés
– Evocation sans détour de la mort, les corps des pendussont des objets sur le point d’être détruits.
– Cette déshumanisation est accompagnée par le champ lexical de la souffrance comme pour mieux en révéler le paroxysme : une souffrance inhumaine « dévorée et pourrie » (7 et 8) « débués et lavés » (21).
– Insistance produite par le rythme binaire et le préfixe privatif de indiquant la décomposition.
– Evocation récurrente de la mort « fumes occis »(12), « sommes transis » (15), « sommes morts ».
=> L’évocation des suppliciés est pathétique, et pourtant, esthétique.
3- Musicalité
– La forme du poème : une ballade, est la forme la plus célèbre du lyrisme médiéval, directement inspirée de la musique et de la danse.
– Elle consiste en trois strophes identiques (dizaine de décasyllabes) suivies d’un envoi. Chaque strophe s’achève parun refrain (10-20-30-35).
– Le refrain fait entendre un effet de rythme propre au chant et le retour lancinant d’une plainte.
– rimes ababb//ccdcd répétées 3 fois et l’envoi ccdcd impriment au poème le même effet lancinant propre à la complainte.
=> L’épitaphe Villon est imprégné de musicalité qui complète son effet esthétique.
L’épitaphe Villon comporte donc une portée esthétique,…