Joachime du bellay heureux qui comme ulysse

novembre 15, 2018 Non Par admin

Intro

Joachim du Bellay est un poète français né en 1522 à Liré en Anjou, et mort en 1560 à Paris. Sa rencontre avec Pierre de Ronsard fut à l’origine de la formation de la Pléiade, groupe de poètes reconnus. De 1553 à 1557, il devient secrétaire du cardinal Jean du Bellay, cousin de son père et célèbre diplomate, avec qui il partira pour Rome. Le poète découvre alors la ville mythique del’Antiquité, qui n’est plus que ruines, faste et débauche. Le regret s’empare du poète, sentiment qui lui inspirera ses plus belles pages. Heureux qui, qui comme Ulysse, a fait un beau voyage est un sonnet mélancolique dans lequel on se demandera comment le poète montre-t’il son attachement à son pays natal .

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là quiconquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

5- Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
10- Que des palaisRomains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin
Et plus que l’air marin la doulceur angevine.

I- Lyrisme et expression de la nostalgie
– Si le lyrisme se caractérise par l’expression de sentiments personnels, il n’est pleinement manifeste qu’à partir dusecond quatrain. Les occurrences du pronom de la première personne, « je », du déterminant « mon, ma » (qui indique ici une relation plutôt que la possession), l’interjection « hélas », en incise sous l’accent d’hémistiche du vers 5, voilà autant de moyens langagiers qui concourent à transcrire l’expression personnelle du sentiment.
– La modalité interrogative et la répétition de la même question : »reverrai-je », à l’initiale des vers 5 et 7, traduit un sentiment de nostalgie d’autant plus fort (et discret en son expression), que la première question : « Quand reverrai-je », est une interrogation partielle, alors que la seconde : « Reverrai-je » est une interrogation totale. La question ne porte plus sur la date mais sur le fait.
– Les adjectifs épithètes antéposés, « petit (village) » et « pauvre(maison) » ont de ce fait une valeur affective. L’expression du sentiment semble même déséquilibrer le vers : l’on constate en effet deux enjambements :
« Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, »
– Ajoutons enfin le lexique, qui associe « pauvre maison » et « petit village » à « une province » (c’est-à-dire undomaine qui peut être un royaume) par la tournure définitive et de subjectivité affirmée : « qui m’est ». Le double adverbe « beaucoup davantage » clôt le quatrain avec une lourdeur qui révèle l’insistance, voire le poids de la nostalgie. Poids que confirme l’emploi du présent, opposé aux deux futurs : présent d’énonciation ou « présent étendu », il marque ici une certitude : celle du sentiment.
– Enfin,la cheminée qui fume et le clos (jardin muré) évoquent une intimité modeste mais chaleureuse : le séjour auprès du feu et celui sous quelques arbres familiers : le passage des saisons, leur retour…
– Le lyrisme prend une tournure différente dans les deux tercets, où l’on retrouve l’emploi de la première personne du singulier, l’expression de la subjectivité personnelles avec le verbe « plaire »et l’adjectif « petit », … Ces deux tercets seront toutefois examinés dans le développement suivant.

II-La « préférence nationale »
– Les deux tercets forment en fait un sizain, strophe de six vers, ce que confirme la syntaxe (une seule phrase pour les six vers). L’expression de la préférence tient d’abord à l’emploi du comparatif de supériorité, en deux vers d’abord, en deux hémistiches…