Ironie
« Ironie est chez nous une raillerie dans la conversation, ou une figure de rhétorique, et chez Théophraste, c’est quelque chose entre la fourberie et la dissimulatio, qui n’est pourtant ni l’un, nil’autre. »
La Bruyère, Caractères( 1688), éd. Garnier, 1962, p. 16.
Par ce propos, La Bruyère souligne la polysémie que recouvre le terme d’ironie : il désigne tantôt une pointe rhétorique, tantôtune attitude associée à celle du philosophe depuis la caricature de Socrate proposée par Aristophane. Dans les deux cas néanmoins, la dissimulation suppose moins l’appel à une inversion directe du sensqu’une participation de l’interlocuteur à un jeu complexe de reconstruction des intentions. En ce sens, l’ironie est une forme de propos par lequel un orateur entend non pas faire comprendre lecontraire de ce qu’il pense, comme le postulent souvent les théoriciens, mais le contraire de ce qu’il dit : la contradiction réside dans la formulation elle-même et laisse le doute planer sur ce que pensele locuteur. Elle implique donc une composante pragmatique essentielle.
Figure de pensée ou figure de mots? Telle a longtemps été la question centrale posée par l’ironie. Mais depuis les années 70,l’intérêt de la notion s’est déplacé de la rhétorique à la définition de la littérarité.
Le champ des études consacrées à l’ironie ne cesse de s’étendre.Mais alors que de plus en plus de monographiessont consacrées à « l’ironie chez Untel », peu d’études prennent en compte le caractère historique de la notion elle-même. Pour éclaircir le lien entre ironie et littérarité, il importe aussi decomprendre comment une figure aussi confuse, et définie de façon aussi variée, a pu devenir une notion clé de la théorie littéraire contemporaine.
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* L’ironieexiste-t-elle?
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* Humour, comique, ironie, par Bernard Gendrel et Patrick Moran. Extrait du séminaire « L’humour: tentative de…