Imaginer un discours que pourrait prononcer candide s’il était un peu plus mûr et sûr de lui, devant une assemblée de planteurs de surinam pour dénoncer l’esclavage.
« – Admirables planteurs de Surinam,
Sur le chemin qui me menait à votre si fertile contrée, j’aperçus un homme agonisant sur le bas côté, et pourvu de vêtements – s’il est possible de nommer lesmorceaux de toiles qui le couvraient ainsi – sales et rapiécés. Dans cette vision d’horreur, je me demandai ce que le malheureux avait pu commettre comme abomination pour être puni de la sorte !
Eneffet, en m’approchant, je pus discerner que deux membres manquaient à son corps maigre et chétif. Les plaies béantes et suintantes soulignaient son regard doux, amical. Je le priai donc de me fairele récit de sa mésaventure. Ma foi, elle me bouleversa !
A mon plus grand étonnement, les marchands et voyageurs qui empruntaient ce chemin ne témoignaient aucun geste d’humanité. Sans douten’étaient-ils pas aussi bons chrétiens que vous et moi, puisqu’ils le regardaient, du haut de leurs carrosses, avec des yeux méprisants… Comme le jour précédent j’avais entendu un sermon des plus beaux sur laparabole du Bon Samaritain, je me résolus à entrer dans Surinam afin de demander de l’aide, bien qu’il me fut déchirant de quitter celui que je peux désormais nommer mon ami.
C’est pourquoi parcette entreprise, chers frères, je vous prie de bien vouloir vous rendre aux portes de la ville où l’un des nôtres vit de bien pénibles heures !
Je suis venu pour vous entrainer à venir en aide à votreprochain.
Ce prochain est Homme, comme vous et moi mais dont la seule faute est de n’être pas né sur le bon continent. En effet, par votre manque d’humanité, vous condamnez chaque jour des milliersd’Hommes comme celui-ci qui n’ont pour seule différence avec nous que la couleur de la peau. Leur récompense pour leur assiduité exemplaire à la tâche est la même que leur punition pour tentative defuite ; quoiqu’ils fassent, ils n’obtiennent que la section de leurs membres !
L’homélie d’aujourd’hui nous invitait à traiter notre prochain comme nous aimerions être traité. Si vous ne voulez…