Histoire geographie

décembre 21, 2018 Non Par admin

ONU : des réformes qui ne font pas ne ré
Guillaume Devin
Science politique / IEP-Paris
Rédaction : 2006
Chaque anniversaire de l’Organisation des Nations unies est une occasion de s’interroger sur le bilan et l’avenir d’une organisation qui demeure, pour l’instant, irremplaçable. Créée en 1945 dans le contexte de la victoire alliée et sous l’impulsion des États-Unis, l’ONU, qui a fêté sessoixante ans en 2005, a beaucoup changé. Son universalisation s’est imposée (191 États membres), ses organes subsidiaires se sont développés, ses missions se sont étendues ; surtout, sa position centrale dans tous les grands débats internationaux s’est consolidée à mesure que le Conseil de sécurité, instance de décision chargée, à titre principal, du maintien de la paix et de la sécuritéinternationales, s’émancipait des blocages de la Guerre froide et retrouvait une plus grande capacité d’action.
Pour autant, la Charte des Nations unies, texte fondateur de l’organisation mondiale, n’avait pas connu à ce jour de révisions majeures. La première (1963), prenant acte de l’arrivée des nouveaux pays décolonisés, a porté de 6 à 10 le nombre des membres non permanents du Conseil de sécurité(soit, au total, 15 membres dont les 5 membres permanents dotés du fameux droit de veto : Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie) ; elle a également fait passer de 18 à 27 le nombre des sièges au Conseil économique et social. La deuxième (1965) a modifié le nombre de voix requis au Conseil de sécurité pour la convocation d’une conférence de révision. Enfin, la troisième (1971) a doublé lenombre de sièges au Conseil économique et social.
En bref, des ajustements plutôt modestes liés à l’extension de l’Organisation et qui ne touchent ni à ses compétences ni au statut privilégié des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Il faut dire que toute révision doit être ratifiée par les deux tiers des membres de l’ONU, « y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité »(articles 108 et 109). Fruit d’un « consensualisme inégalitaire », ce verrou a dressé un obstacle sérieux aux tentatives de révision plus audacieuses. Dès 1955, certains membres, hostiles au droit de veto, avaient réclamé, au nom de l’« égalité souveraine des États », une révision de la Charte. Néanmoins, le Comité créé à cet effet s’est enlisé tout comme les différentes instances qui lui ontsuccédé.
La révision des équilibres institués il y a soixante ans demeure donc une tâche extrêmement sensible politiquement. Plus généralement, tout semble s’être passé comme si l’Organisation n’avait jamais ressemblé exactement à la Charte : en retrait d’un texte ambitieux jusque dans les années 1980, puis en recherche d’innovations d’un texte imparfait dans la période post-bipolaire.
Dans cesconditions, les développements et les initiatives de ces dernières années étaient à prendre avec précaution. Un processus apparaissait toutefois engagé, assez laborieux mais pouvant déboucher sur des mises à jour significatives.
Fin de la bipolarité : l’ONU enfin en action
Paradoxalement, c’est la revitalisation de l’ONU qui a nourri les critiques et relancé les débats sur la révision. Lorsqu’en 1982 lesecrétaire général, Javier Perez de Cuellar, déplorait la paralysie du Conseil de sécurité et s’alarmait des risques d’une « nouvelle anarchie internationale », l’urgence résidait dans un rapprochement des points de vue entre les États-Unis et l’Union soviétique et non dans une quelconque réforme, toujours suspecte de manipulation et, de ce fait, totalement bloquée. À l’automne 1991, au terme deson double mandat, le même secrétaire général célébrait la « renaissance » des Nations unies et ne doutait plus de son « effectivité ».
En dix ans, la rivalité bipolaire avait cédé la place à un nouvel esprit de concertation. Grâce notamment au nouveau cours de la politique soviétique, de véritables négociations diplomatiques pouvaient s’engager dans les instances onusiennes, à commencer par…