Guerre froide et décolonisation

décembre 15, 2018 Non Par admin

La question des relations entre les États-Unis et l’Afrique noire francophone n’a été que très peu étudiée

Beaucoup de travaux ont été publiés sur l’histoire de la guerre froide et sur l’histoire de la décolonisation. Cependant, peu d’études ont été menées sur les liens entre ces deux histoires. Lier l’étude de la guerre froide et de la décolonisation conduit l’historien à envisager l’étude deces deux phénomènes d’un œil neuf. La guerre froide se complexifie : à l’opposition entre les deux grands, viennent se greffer des dynamiques « péricentriques », créées notamment par les espaces en phase de décolonisation. Réciproquement, envisager le problème de la décolonisation dans le contexte de la guerre froide permet de ne plus considérer le problème colonial sous l’angle du seul rapportbilatéral entre la métropole et ses colonies. La décolonisation a été trop souvent pensée comme un psychodrame national, comme une crise interne aux empires coloniaux. Il faut cependant se dégager de la sentimentalité qui obscurcit la recherche historique pour considérer la décolonisation dans un cadre mondialisé. La décolonisation ne met pas seulement en jeu l’ancienne puissance européenne sur ledéclin et l’Afrique en quête de liberté. En 1945, les deux nouveaux géants sont les États-Unis et l’Union soviétique. Pourtant, les vieilles puissances, la France et la Grande-Bretagne, veulent continuer à se penser comme des puissances maîtresses de leur destin qui n’appartiendraient à aucun des deux blocs. L’empire colonial, symbole de leur grandeur passée, doit permettre de conserverl’illusion. On comprend que le problème colonial soit alors le lieu des tensions, des amertumes et des malentendus. Car ce qui est en jeu, c’est le prestige entre des puissances devenues inégales. Cette période des années cinquante est un chapitre essentiel des relations franco-américaines. Pour le petit pays qu’est la Belgique, la thématique de la puissance est encore plus prégnante. Depuis Léopold II,l’immense Congo est pour la Belgique le seul moyen d’accéder à un statut que ni sa superficie ni son niveau économique ne lui permettraient d’envisager.

L’historiographie révèle que la question des relations entre les États-Unis et l’Afrique noire francophone n’a été que très peu étudiée, ce qui amène aujourd’hui à des simplifications et à des lieux communs erronés comme l’idée que les Américainsseraient intervenus en Afrique au nom de la défense des « intérêts économiques américains ». En l’absence d’études sur le sujet, on ne semblait voir la politique américaine que sous la forme du cliché de l’impérialisme cynique cherchant à chasser les Français du continent africain. L’étude croisée des archives américaines (principalement celles du Département d’État), belges (ministère des Affairesétrangères et des colonies) et françaises (ministère des Affaires étrangères et de la France d’outre-mer) laisse apparaître une réalité plus complexe.
L’importance des échanges culturels dans les relations internationales

Les États-Unis ne se désintéressent pas de l’Afrique subsaharienne. Ils lui manifestent un intérêt croissant au fur et à mesure que ce continent devient un enjeu de la guerrefroide. Du coup, leur idéologie anticolonialiste, héritage de la révolution, passe au second plan. Ils laissent à la Belgique et à la France le soin d’envisager l’avenir de ce continent, tout en accompagnant les évolutions.

Dans l’esprit des travaux de Pierre Renouvin et de Jean-Baptiste Duroselle, notre étude ne se limite pas à une histoire diplomatique. Elle accorde une place fondamentale auxéchanges culturels (cinéma, littérature, radio, danse), universitaires (influence des universitaires africanistes sur la politique du Département d’État qui est lui-même à l’origine du développement de cette recherche africaniste ; échanges universitaires avec octroi de bourses aux étudiants africains, etc.) et religieux (rôle fondamental des missionnaires américains). En effet, les…