Gorgias de platon
Gorgias de Platon
Il faut commencer ici par caractériser le besoin de justice : d’où vient-il ? Qui le ressent et comment se manifeste-t-il ? La justice désigne certes une vertu (elle caractérise alors une manière d’agir), mais elle est avant tout une valeur, un critère de jugement : on dit d’une situation ou d’une action qu’elle est injuste si elle nuit ou si elle trahit le principe del’égalité. Comme nous pouvons le remarquer, le besoin de justice est nécessairement un manque : ce sont donc ceux qui subissent l’injustice qui le ressentent d’abord. En effet ce besoin revient, pour ceux dont la position sociale est la plus faible (les pauvres et les déshérités) à envier la position de ceux qui les dominent.
Ne s’agit-il pour autant que d’une jalousie ? Le besoin de justice ne relèvepas simplement du seul intérêt de ceux qui subissent l’injustice : n’est-ce pas nécessairement la situation, c’est-à-dire l’ordre social tout entier qui est injuste ? La justice ne doit-elle pas alors être fondée comme une exigence plutôt que comme une besoin ? Celle-ci relèverait alors du bien commun et devrait être défendue par n’importe quel citoyen.
Nous tenterons de répondre aux problèmes etenjeux de ce texte en étudiant les axes suivants : tout d’abord, la justice s’oppose à l’ordre naturel puis l’injustice de la loi des Homme brisant l’ordre de la Nature.
Dès le début du texte Calliclès annonce clairement son point de vu. Il commence par dire que « dans l’ordre de la Nature, le plus vilain […] : c’est subir l’injustice ; en revanche, selon la loi, le plus laid, c’est lacommettre » marquant ainsi l’opposition perçu entre la Nature et la loi. Avec cette seule phrase, nous ne pouvons conclure quant au penchant de Calliclès pour l’une, ou pour l’autre des voies. Cependant la seconde phrase tranche, et situe ce dernier dans l’opposition, en considérant q’un Homme ayant subi l’injustice n’est plus un Homme mais un vulgaire esclave, au côté de la Nature.
C’est que la loi dela Nature n’a rien à voir avec la loi des hommes, celle qui règle l’ordre des cités. La loi des hommes instaure l’égalité, condamne les manquements à ce qu’elle appelle la justice, elle dit qu’ « il est vilain, qu’il est injuste d’avoir plus que les autres et que l’injustice consiste justement à vouloir plus ». Mais là est la supercherie selon Calliclès. La Nature ne veut pas l’égalité, elleengendre des forts et des faibles, des meilleurs et des moins bons, et ce qui est juste selon la Nature c’est « que le meilleur ait plus que le moins bon, et le plus fort plus que le moins fort », ou encore : « Si le plus fort domine le moins fort et s’il est supérieur à lui, c’est là le signe que c’est juste. ».
De ceci Calliclès ne veut pour preuve que le monde animal, régi par la loi du plus fort,et l’histoire des hommes, longue suite d’agressions et de conquêtes, où la raison du plus fort a toujours été la meilleure : « Partout il en est ainsi, c’est ce que la nature enseigne, chez toutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités ! »
Cette loi qui prône l’égalité, qui fait des hommes ses esclaves, d’où vient-elle en réalité ? Dans son analyse,Calliclès accuse les faibles et les médiocres d’avoir pris le pouvoir et d’avoir réduit à l’impuissance ceux qui avaient en eux une force, une supériorité qui les destinait au commandement : « Certes ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois […] ; ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu’eux et qui peuvent leur être supérieurs. C’est pour empêcher que ces hommes leursoient supérieurs qu’ils disent qu’il est vilain, qu’il est injuste, d’avoir plus que les autres et que l’injustice consiste justement à vouloir plus. Car ce qui plaît aux faibles, c’est d’avoir l’air d’être égaux à de tels hommes, alors qu’ils leur sont inférieurs ». L’ordre moral qu’ils imposent n’est que la théorisation de leur propre impuissance.
En imposant une règle commune, elle nivelle les…