France inter: regrettez la différence
France Inter : la différence. Ou du moins c’est ce que proclame le slogan de la station radio de service publique. A une époque où la politique repose plus sur de la communication que sur des convictions, et où le journalisme consiste à retransmettre au plus vite la même information que les autres pour ne pas passer pour un ringard au lieu de la décortiquer pour que les pauvres citoyens de baseaux capacités analytiques limitées que nous sommes puisse voir plus loin, cette différence donc est nécessaire. Et pourtant, tout laisse à penser que je vais devoir me passer de cette différence…
Mercredi 23 juin 2010 restera comme un jour funeste dans les mémoires. Philippe Val, ancien rédac-chef du très politiquement incorrect Charlie Hebdo et fraichement nommé à la tête de France Inter, etJean-Luc Hees, patron de Radio France désigné par Nicolas Sarkozy, ont versé la goutte qui a fait déborder le vase. Et il leur faudra une sacré éponge pour nettoyer. Après avoir présenté la grille 2010-2011 des programmes qui se voit amputée d’excellentes émissions comme L’humeur vagabonde ou Esprit critique, les deux grands chefs de la radio ont annoncé l’absence des humoristes Stéphane Guillon etDidier Porte à la rentrée. Pour ceux qui ne les connaissent pas, laissez-moi vous brosser un rapide portrait de ces deux trublions.
Stéphane Guillon est un peu l’ennemi public numéro un dans l’humour aujourd’hui. Acerbe et direct, Guillon est souvent qualifié de méchant par ses détracteurs. C’est DSK qui a utilisé cet adjectif en premier, après que le chroniqueur ait présenté le patron du FMIcomme un pervers sexuel prêt à sauter sur tout le personnel féminin de France Inter. On aime ou on n’aime pas, je vous l’accorde. Mais qu’on se limite à définir l’humour de Guillon comme une simple suite d’attaques mesquines, c’est une autre histoire. Pour prendre un exemple récent, j’évoquerai le billet du 10 juin, où l’humoriste parlait de la démission imminente (et fictive) de Brice Hortefeux.Particulièrement juste et pertinent, il évoque entre autre l’injustice pour les 24.000 sans papiers expulsés l’an dernier par un ministre condamné pour injure raciale… Agressif ? Nullement. Gratuit ? Encore moins. Une pièce à conviction en faveur du chroniqueur le plus podcasté d’Inter ? Je veux mon n’veux ! Donc quand Jean-Luc Hees proclame renvoyer pour ses insultes un homme qui n’a jamais étéattaqué pour diffamation ou injure en 3.000 chroniques, ça me fait doucement rigoler…
Au tour de Didier Porte maintenant. Profondément encré à gauche, il prend – ou plutôt prenait – la place de Stéphane Guillon à 7h55 tous les jeudis. Mais c’est surtout « le pic d’audience de midi cinq », comme il surnomme à peine ironiquement sa chronique dans Le fou du roi, qui lui vaut son succès. Avec un espritet un humour à toute épreuve, Didier Porte aime dénoncer les abus des politiques qui restent souvent secrets ou occultés par les médias. Didier Porte, c’est un peu Le canard enchainé (une de ses sources principales) sans les dessins mais en plus drôle. Récemment il avait déclenché la colère de la direction avec un sketch dans lequel il faisait dire à Dominique de Villepin « J’encule Sarkozy. » Unoutrage sorti de son contexte qui avait mis sa position en péril, mais on le pensait sauvé grâce à tous les soutiens qu’il a reçu, notamment de Stéphane Bern. Raté, il a annoncé en direct à l’animateur qu’il avait reçu une lettre le priant de plier bagage et de faire place nette.
Cette affaire est grave à bien des niveaux. Concernant les protagonistes par exemple. Comme dit précédemment,Philippe Val fut rédacteur en chef de Charlie Hebdo pendant 17 ans. Un journal qui se veut grande gueule, indépendant et intrépide, descendant direct de Hara-Kiri dont le slogan était, rappelons-le, « le journal bête et méchant ». En 2006 Val a même presque mis sa vie en jeu dans l’affaire des caricatures de Mahomet, au nom de la liberté d’expression. Mais il a surtout beaucoup été critiqué pour des…