Droit constitutionnel
Thaïlande : « les rouges n’ont plus d’autre solution que la force »
LEMONDE.FR | 14.05.10 | 19h16
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La situation s’envenime à Bangkok. Vendredi 14 mai, deux mois après le début de la pire crise qu’ait connu la Thaïlande depuis 1992, sept personnes ont été tuées et plus de cent blessées dans les affrontements. Après l’échec des négociations et de la feuille de route proposée début mai par legouvernement, la tension a grimpé d’un cran et l’espoir d’une résolution pacifique du problème s’éloigne peu à peu.
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La Thaïlande en rouge et jaune
* Les « rouges » : les « chemises rouges » sont, à l’origine, les partisans de Thaksin Shinawatra,écarté du pouvoir en 2006 à la suite d’un coup d’Etat militaire et d’une série de scandales de corruption. Aujourd’hui, les « rouges » ne se revendiquent pas tous de lui et leur composition est plus complexe, ce qui rend leur organisation difficile. Mais ils ont tous un ennemi commun : le gouvernement.
* Les « jaunes » : les « chemises jaunes », elles, rassemblent surtout des citoyens de classessupérieures et quelques intellectuels (le jaune est la couleur de la monarchie en Thaïlande). C’est une coalition ponctuelle qui durera tant que les « rouges » manifesteront. Selon Jacques Ivanoff, ce sont des « extrémistes virulents qui mettent la pression sur le gouvernement ».
Impasse politique totale à Bangkok, secouée par des violences meurtrières
« Le gouvernement y est allé par gradation, petità petit », explique Jacques Ivanoff, chercheur à l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, basé à Bangkok. Après avoir essayé d’isoler les « rouges », en leur coupant l’accès à l’eau et à l’électricité, « le gouvernement était obligé d’intervenir, sinon les ‘jaunes’ le faisaient », poursuit le chercheur. « Il fallait que le gouvernement fasse preuve de force », ajoute-t-il.
SophieBoisseau du Rocher, chercheuse à l’Asia Centre de Sciences Po, avance en outre un argument économique. Cette crise a un « coût prohibitif pour un pays en redressement comme la Thaïlande », estime-t-elle. C’est aussi une des raisons qui poussent le gouvernement à faire rentrer les choses dans l’ordre, pour que le pays « continue à inspirer confiance ».
Malgré le nombre de morts et de blessés, les deuxchercheurs s’accordent à dire que les autorités n’ont pas été aussi loin qu’elles auraient pu. Pour Jacques Ivanoff, l’armée tient un rôle ambigu. « Je n’arrive toujours pas à croire que des camions militaires puissent être pris par des insurgés sans qu’il y ait de réaction. Je ne veux pas croire qu’ils n’y arrivent pas », dit-il.
UNE « VOLONTÉ DE NE PAS FUIR LE PROBLÈME »
Dès les premiers jours dela crise, mi-mars, le premier ministre, Abhisit Vejjajiva, a ouvert la porte aux négociations et tente encore de la maintenir ouverte, le plus longtemps possible. « La Thaïlande est un pays de négociateurs où il est important de parvenir au consensus pour sauver la face », explique-t-il. C’est d’ailleurs, selon lui, la raison pour laquelle le général Seh Daeng a été grièvement blessé par balle,jeudi : « A mon avis, les ‘rouges’ et le gouvernement se sont mis d’accord pour le tuer car il radicalisait trop le discours et empêchait toute recherche d’un consensus. »
Tant que l’espoir d’un consensus existe, le pays pourrait éviter la guerre civile et, surtout, l’intervention de forces extérieures, ce qui serait très mal vécu par la population. Voilà pourquoi, malgré tout, « le premier ministrecontinue à essayer de faire entendre raison aux ‘rouges' », comme l’explique Sophie Boisseau du Rocher.
Pourtant, depuis deux mois, les négociations n’aboutissent pas et la situation s’enracine. Déjà parce qu’il y a beaucoup de protagonistes – jaunes, rouges, armée… – mais aussi parce que, « pour la première fois, il y a une vraie volonté de ne pas fuir le problème », explique Jacques Ivanoff….