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septembre 21, 2018 Non Par admin

LES MISERABLES, V. Hugo, 1862

La face humaine de Javert consistait en un nez camard , avec deux profondes narines vers lesquelles montaient sur ses deux joues d’énormes favoris . On se sentait malà l’aise la première fois qu’on voyait ces deux forêts et ces deux cavernes. Quand Javert riait, ce qui était rare et terrible, ses lèvres minces s’écartaient, et laissaient voir, non seulement sesdents, mais ses gencives, et il se faisait autour de son nez un plissement épaté et sauvage comme sur un mufle de bête fauve. Javert sérieux était un dogue; lorsqu’il riait, c’était un tigre. Du reste,peu de crâne, beaucoup de mâchoire, les cheveux cachant le front et tombant sur les sourcils, entre les deux yeux un froncement central permanent comme une étoile de colère, le regard obscur, labouche pincée et redoutable, l’air du commandement féroce.
Cet homme était composé de deux sentiments très simples, et relativement très bons, mais qu’il faisait presque mauvais à force de les exagérer:le respect de l’autorité, la haine de la rébellion; et à ses yeux le vol, le meurtre, tous les crimes, n’étaient que des formes de la rébellion. Il enveloppait dans une sorte de foi aveugle etprofonde tout ce qui a une fonction dans l’Etat, depuis le premier ministre jusqu’au garde champêtre. Il couvrait de mépris, d’aversion et de dégoût tout ce qui avait franchi une fois le seuil légal du mal.Il était absolu et n’admettait pas d’exceptions. D’une part il disait: – Le fonctionnaire ne peut se tromper; le magistrat n’a jamais tort. – D’autre part il disait -. Ceux-ci sont irrémédiablementperdus. Rien de bon n’en peut sortir. – Il partageait pleinement l’opinion de ces esprits extrêmes qui attribuent à la loi humaine je ne sais quel pouvoir de faire ou, si l’on veut, de constater desdamnés, et qui mettent un Styx au bas de la société. Il était stoïque , sérieux, austère; rêveur triste; humble et hautain comme les fanatiques. Son regard était une vrille. Cela était froid et cela…