De quelle vérité l’opinion est-elle capable ?
De quelle vérité l’opinion est-elle capable ?
P L A N
Introduction
1 L’opinion est capable d’une vérité immédiate
A – L’opinion comme connaissance empirique et inférieure
B – L’opinion ne se discute pas
C – L’opinion est capable d’une vérité relative
2 L’opinion n’est capable que d’une apparence de vérité
A – L’opinion a, en droit, toujours tort
B – Vérité formelle et véritématérielle
C – L’opinion est en deçà des critères de vérité
3 La vérité de l’opinion se situe au-delà de l’opinion
A – L’objectivité et la vérité du sujet
B – L’opinion est capable d’une certaine sincérité
Conclusion
Introduction
Nous avons coutume, dans le langage courant lui-même, de distinguer
souvent l’opinion de la vérité pour montrer qu’il ne peut y avoir de coïncidence
entreelles. Lorsque quelqu’un émettant un avis quelconque
ajoute : « Ce n’est que mon opinion », on comprend par là qu’il ne prétend
à aucune vérité et que son propos n’est à prendre que comme une affirmation
très provisoire, ou en tout cas très fragile en attente d’une éventuelle
démonstration qui serait à même de l’infirmer ou de la confirmer.
Tout se passe comme si nous employions le terme d’opinionjustement
pour sortir des critères de vérité et pour éviter même d’être taxé de
fausseté. Après un tel constat, il pourrait être tentant de considérer que
se demander de quelle vérité l’opinion est capable est parfaitement
absurde, inepte et oiseux. Ce serait cependant ne pas envisager pleinement
la notion d’opinion et la réduire à son acception la plus péjorative.
Cela reviendrait à direque l’opinion est justement ce dans quoi il
n’y a aucune vérité possible. Or il n’est pas d’opinion possible si on ne
la tient pas quelque peu pour vrai. Si j’exprime mon opinion, c’est bien
parce que j’estime qu’il y a en elle une part, au moins, de vérité. Sans
cela je me tairais. C’est cette « part de vérité » qu’il nous faut interroger
en nous demandant comment caractériser la vérité quel’opinion, en tant
que jugement personnel et non justifié rationnellement, est susceptible
de procurer, au moins du point de vue de celui qui l’énonce. Quels rapports
entretiennent – si toutefois ils ne sont pas simplement inexistants
– l’opinion et la vérité ? Comment déterminer une vérité de l’opinion et
quel sens y a-t-il à parler d’opinion vraie ?
1. L’opinion est capable d’une véritéimmédiate
A. L’opinion comme connaissance empirique et inférieure
La tradition philosophique nous a appris, il est vrai, à exclure l’opinion
de tout discours prétendant à une certaine vérité. L’opinion est bien ce
que le discours philosophique s’acharne à détruire, à réduire et à chasser.
Néanmoins, avoir une opinion, c’est déjà tenir quelque chose pour vrai.
C’est déjà émettre un jugement quientretient certains rapports à une
vérité. Si j’estime par exemple que tout corps se déplaçant est animé
d’un mouvement fini, c’est-à-dire qui doit prendre fin à un moment ou
à un autre, c’est là une opinion, dans la mesure où je n’en dis pas plus
et qu’en particulier je ne définis pas les conditions dans lesquelles j’envisage
un tel mouvement ni ne donne les raisons de ce qui semble êtreune vérité. On le voit, ce type d’assertion peut être considérée comme
résolument fausse dans la mesure où tout mouvement, en vertu du
principe d’inertie, n’a aucune raison de s’arrêter s’il n’est pas empêché
(par des forces de frottement par exemple). Mais, parallèlement, je puis
dire que cette affirmation est parfaitement vraie dans la mesure où, de
fait, je ne rencontrerai jamais au coursde ma vie un objet animé d’un
mouvement perpétuel et uniforme. Dès lors, de quelle capacité à produire
une vérité est douée une telle opinion ? Bien qu’elle ne fournisse qu’une
explication lacunaire – et même très réduite et pauvre – mon opinion a
du moins le mérite d’être en accord avec toute expérience possible pour
moi. L’opinion a donc quelque chose à voir avec la connaissance…