De la colonialisation du monde à la mondialisation du colonialisme
De la colonisation du monde à la mondialisation du colonialisme
À celle qui m’a fait connaître Sankara et tant d’autres choses…
I. Pourquoi repenser le colonialisme ? A l‘heure où l’Occident développe, en Irak, en Tchétchénie, en
I. Pourquoi repenser le colonialisme ? II. Un exemple de retour « savant » de la doxa coloniale III. Une définition du colonialisme ? IV. Un bilan du colonialisme ?V. Du colonialisme au développement VI. Qu’est-ce que le développement ? VII. L’Occident ou l’individu dissout dans le dogme de l’efficacité et le mythe du désir VIII. L’Autre, décor et miroir : l’Occident comme désir d’Occident Bibliographie
Afghanistan, en Afrique centrale et dans le Pacifique, si ce n’est dans le reste du monde, par le biais d’organisations internationales telles que l’OMC,le FMI, l’OMS ou l’Unesco, de nouvelles moutures de protectorats, moraux, sanitaires, culturels ou politiques, avec leurs panoplies aujourd’hui classiques de gouvernements fantoches, de représentativité veule, de chantages à la légitimité et d’invocations sectaires autant qu’hypocrites aux droits humains, toujours (bien entendu) prospectifs ; à l’heure où, faisant suite aux bavardages de Durban,les excuses de l’Europe et des États-Unis sont si plates qu’elles forment un véritable tapis rouge pour les insultes, le mépris ou, pire, l’indifférence ironique qui s’y lovent ; à l’heure où, à force de frondes péripatéticiennes et de rodomontades rituelles devant les sites de conférences institutionnelles, l’Occident prétend recomposer un espace de partage mais s’enlise dans un jeu dereprésentations qui n’a de cesse de nier les possibilités d’action ; à l’heure où, par la grâce de l’instauration de lois de compétences universelles et de cours de justice pénale internationales destinées à juger les petits dictateurs avec le financement ou l’aval des grands, les anciens universalistes se cherchent une bonne conscience ; à l’heure, enfin, où le mythe de la croissance, du progrès, où lemonopole de la (re)formulation du réel par les technosciences sont, à la faveur des hantises consuméristes et gestionnaires, la seule voie imaginaire laissée aux générations futures, du Nord comme du Sud, n’est-il pas
nécessaire de se pencher, fût-ce le temps de quelques pages, sur cette épouvante que demeure le colonialisme ? Pas pour s’en souvenir. Car se souvenir, de nos jours, c’est aussiclasser. Et le colonialisme n’est pas, ne peut pas être une affaire classée. Les pénitences institutionnelles ainsi que les violents conflits de « décolonisation » de l’après-Seconde Guerre mondiale ne doivent tromper personne : la colonisation a si bien réussi qu’elle continue sur son élan. Elle a réussi à tel point que personne ne pense à chanter sa victoire. On la trouve pour ainsi dire naturelle ;mieux, on ne la perçoit même pas. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a, au final, que des
colonisés. Parce qu’en colonisant les autres, les colonisateurs se sont colonisés eux-mêmes. Ils se sont livrés, ont cédé à leur propre logique. Cela par le biais démocratique. Qu’on se le dise : si l’imaginaire colonial est largement redevable de centaines d’années d’impérialisme, d’une version déplorable maishélas longtemps dominante du christianisme, puis d’un corpus anthropologique allant de la vision de l’âge classique à celle des Lumières pour aboutir à l’évolutionnisme dix-neuvièmiste, il l’est tout autant, voire aujourd’hui davantage, du système démocratique. Non pas, comme l’a montré Raoul Girardet1, que celui-ci soit à l’origine des entreprises coloniales, ou les ait planifiées, voulues, mais illes a entérinées, justifiées, légitimées en tant que faits et, de plus, les a fait entrer dans les esprits, a permis, assumé, assuré la colonisation des esprits par l’idéal colonial. Il a mené le colonialisme à son aboutissement, ce qu’après la guerre on appellera le développement. Il a souvent été dit, et contesté, que le colonialisme avait favorisé, voire induit l’essor du capitalisme…