Cours de dr
oitDroit accessible et droit acceptable
Les enjeux constitutionnels de la simplification du droit
GUILLAUME DU PUY-MONTBRUN ET RAPHAËL LEONETTI
Doctorant et Allocataire-Moniteur à l’Université Paris I – Panthéon-Sorbonne
’ « accès au droit », auquel se trouve consacré ce premier numéro de Jurisdoctoria, trouve dans l’actuelle entreprise de « simplification du droit » un remarquable écho.On entendra par simplification du droit l’expression qui renvoie à diverses actions des pouvoirs publics sur le droit, dans le but de lui ôter certaines complications inutiles, tant sur la forme que sur le fond1. Il sera en effet aisé de comprendre qu’une certaine idée de l’accès au droit commande un droit simple, autrement dit un droit accessible. La rue Montpensier est bien de cette opinionlorsqu’elle proclame conforme à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité du droit2 le programme du gouvernement tendant à simplifier le droit et à poursuivre sa codification. Dans un important considérant de sa décision du 26 juin 2003, le Conseil constitutionnel considère en effet que : « Le programme du Gouvernement tendant à simplifier le droit et à poursuivresa codification […] répond à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ; qu’en effet, l’égalité devant la loi énoncée par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et “ la garantie des droits ” requise par son article 16 ne seraient pas effectives si les citoyens ne disposaient pas d’une connaissance suffisante des règles quileur sont applicables et si ces règles présentaient une complexité inutile ; qu’à défaut,
Sur la forme, la simplification pourra se manifester dans la codification, dans l’abrogation, ou encore dans une refonte de la règle de droit. Sur le fond, le discours politique, les textes juridiques, mais aussi la décision n° 2003-473 DC que nous tenterons de commenter, nous permettent aujourd’hui deconsidérer que l’entreprise de simplification du droit regroupe à la fois la simplification du droit stricto sensu, comprise comme la simplification des règles substantielles, et la simplification administrative, entendue comme la simplification des règles de procédure. Sur cette question, cf. P. GO N O D, « La simplification administrative : question sur la méthode », AJDA 2004, p. 209.
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LDécision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, JO 22 décembre 1999 ; AJDA 2000, p. 31, note J.-É. SCHOETTL.
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© Jurisdoctoria n° 1, 2008
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Guillaume du Puy-Montbrun et Raphaël Leonetti
serait restreint l’exercice des droits et libertés garantis tant par l’article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n’a de bornes que celles qui sont déterminées par la loi, que par son article 5,aux termes duquel “ tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ” »3. C’est sur la base de ce considérant que nous avons essentiellement réfléchi, motivés en cela par le silence de la doctrine à son propos, comme si les auteurs s’étaient plus ou moins consciemment refusés au délicat mais néanmoins indispensableessai d’exégèse que devrait appeler toute décision mettant directement en jeu l’existence de la Constitution, ou plutôt l’avoir une Constitution, c’est-à-dire toute décision qui se réfère explicitement à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. L’entreprise de simplification y est en effet présentée comme un instrument de la garantie des droits, et donc du maintien de laConstitution, pour deux raisons : elle permet au citoyen de disposer d’une « connaissance suffisante » des règles de droit, conçue comme un moyen de rendre le droit accessible ; elle tend à le prémunir des « complexités inutiles » de ces règles dont elle assure ainsi l’intelligibilité. Les bases constitutionnelles de la simplification du droit sont ainsi clairement énoncées par le Conseil…