Compte rendu de lecture : patrimoine et identité kanak
Compte-rendu de lecture
GRAILLE Caroline, « Patrimoine et identité kanak en Nouvelle-Calédonie », Ethnologies comparées n°2 2001, http://recherche.univ-montp3.fr/mambo/cerce/relations.htm
Alors que l’accord de Nouméa prévoit la création de signes identitaires communs pour la NouvelleCalédonie, Caroline Graille, ethnologue, trois ans après la signature de cet accord historique, retrace leprocessus d’affirmation culturelle des Kanak mis en oeuvre depuis les années soixante-dix et questionne les variations des formes qu’il a pu prendre en fonction des contextes sociologiques et politiques. Pour Caroline Graille, c’est principalement la situation de déséquilibre foncier inter-ethniques qui a conduit les Mélanésiens à faire la démonstration de leur légitimité sur les terres qui leur ontété confisquées avec la colonisation. Cependant, la tradition orale sur laquelle repose cette société entraîne des conflits d’intérêts au sein de la population kanak, du fait de la malléabilité des mémoires. L’auteur voit là un point de départ de la manipulation de la mémoire au service de l’idéologie nationaliste, où il s’agit de démontrer l’existence d’une culture commune propre aux populationskanak, un « nous » kanak en opposition avec le reste de la société calédonienne, pour revendiquer un Etat indépendant : la Kanaky. Ainsi, chaque manifestation de la culture kanak, que ce soit dans le domaine de la muséographie, de l’art, de l’artisanat, de la musique ou des pratiques coutumières, constitue aussi une instrumentalisation du passé à visée politique. Cette période qui précède lesévènements voit donc la constitution d’un patrimoine kanak matériel où l’objet dit de pré-contact avec le monde occidental a une haute valeur symbolique puisqu’il est empreint d’une sorte de virginité vis à vis du monde moderne et qu’il a été l’objet de destruction et de pillage par ce même monde. En 1975, « Mélanésia 2000 » a comme objectif de faire la démonstration d’une image culturelle commune à tousles Mélanésiens, qui aurait ses racines dans l’histoire ancienne. Cette manifestation est non seulement à destination du monde blanc, mais elle doit aussi faire prendre conscience aux Kanak de leur propre culture commune, selon Jean-Marie Tjibaou. Cette convocation de la tradition n’a pas, selon l’auteur, l’objectif d’un retour vers le passé, mais marquerait plutôt « l’engagement profond etirréversible des Mélanésiens de Nouvelle-Calédonie dans un processus de modernisation politique, sociale et culturelle ». Avec l’après-Matignon débute une période de recensement du patrimoine et d’institutionnalisation de la culture kanak. Conjointement à ces accords, la nouvelle politique de la culture en France et la décentralisation des administrations donnent à la culture kanak les moyens de se doterde structures et de promouvoir la création artistique contemporaine. Le patrimoine kanak s’élargit et devient plus consensuel en intégrant même des monuments religieux, pourtant symboles d’une forme d’acculturation. D’autre part, le tourisme, qui se développe en cette période de paix civile, représente pour l’auteur un risque de folkorisation de la culture en donnant à voir un modèle culturelmélanésien formaté aux exigences d’une clientèle occidentale. Les institutions culturelles, telles que l’ADCK, agissent en faveur de la création artistique contemporaine, en réponse à ce danger que constitue le détournement de la culture kanak. Cependant, cette production artistique, soutenue par un financement public, est encore trop faible et les artistes professionnels Kanak trop peu nombreux.L’auteur pose ici la question de savoir si la 1
Hélène Gougeon – Master 1 DEVTAT politique d’appui à la création artistique, par son volontarisme, n’influence pas elle-même, les artistes. La diffusion de la culture kanak, grâce à ses institutions culturelles dotées de moyens importants, a néanmoins permis à la population mélanésienne de dominer le champ culturel de la NouvelleCalédonie….