Commentaire sur l’acte 3 , scene 3 et 4
Commentaire sur L’Acte 3 , Scene 3 et 4
Drame en cinq actes et en prose d’Alfred Jarry (1873-1907), publié à Paris dans la revue le Livre d’art en avril et mai 1896, et créé à Paris au théâtre de l’Œuvre le 10 décembre de la même année, Ubu Roi fit date dans l’histoire du théâtre français. Le seul nom d’Ubu a fait davantage pour rendre célèbre Alfred Jarry que tout l’ensemble de son œuvre, etle personnage a depuis longtemps acquis une existence autonome, dépassant le champ de la littérature. Cette pièce est issue d’un ensemble de textes récoltés au lycée de Rennes jouant sous diverses formes de la figure d’un professeur de physique, M. Hébert, également surnommé le père Heb ou père Ebé. Le jeune Alfred Jarry arrive dans ce lycée en octobre 1888, et participe très vite au jeu de lacaricature, et retient particulièrement un texte, Les Polonais, où l’on voit le père Heb devenir roi de Pologne… Il retravaille ce texte à plusieurs reprises, jusqu’à le faire représenter huit ans plus tard.
Ubu Roi s’ouvre sur la décision de Père Ubu, poussée par Mère Ubu, de devenir roi de Pologne. Il y parviendra, et fera régner la terreur sur la Pologne imaginaire qu’il gouverne d’une main defer. Dans les scènes 3 et 4 de l’acte III, le père Ubu vient prélever en personne les impôts qu’il a drastiquement augmentés. Ces deux scènes permettent d’exemplifier la façon qu’a le nouveau roi de traiter ses sujets.
Nous verrons dans une première partie le despotisme du père Ubu sur ses sujets ; puis, dans une deuxième partie, le caractère loufoque et absurde de cette irruption du roi dans lamaison des paysans ; enfin, dans une troisième partie, nous étudierons en quoi cette scène constitue une parodie de la politique au théâtre.
I Le despotisme du père Ubu
A/ La violence de l’irruption : la transition entre les deux scènes
On partira ici de la spécificité de cet extrait qui propose à l’étude deux scènes, en étudiant l’enchaînement de l’une à l’autre. Conventionnellement, unescène se délimite d’une autre par l’entrée ou la sortie d’un personnage. Le Père Ubu effectue cette transition en « défonçant la porte ». On notera la violence de cette entrée du personnage, qui est peut-être un clin d’œil comique du dramaturge aux conventions du théâtre occidental.
B/ La violence physique du Père Ubu : un irreprésentable ?
La violence physique du Père Ubu se laisse apercevoir àdeux niveaux. Premièrement, dans le récit des paysans de la scène III, où ils rapportent les meurtres que le nouveau roi vient de commettre. Deuxièmement, à travers l’irruption du roi lui-même dans la maison des paysans, qu’il finit, bien vite, par piller, brûler, après avoir fait tuer ses occupants. Ceci analysé, on se demandera s’il est possible pour le metteur en scène de représenter cela, eton essayera d’imaginer quelles peuvent être les possibilités de mise en scène d’une telle violence. Peut-être faut-il encore y voir un clin d’œil du dramaturge aux règles classiques, interdisant la vue du sang et même une quelconque violence sur scène.
C/ La violence verbale du Père Ubu : son hégémonie discursive
Enfin, le despotisme du Père Ubu se trahit à travers son langage, également à deuxniveaux. Dans la scène 3, il est le seul objet du discours des paysans. En cela, il monopolise en quelque sorte le discours de ses sujets, seul lieu pourtant où ils pourraient conserver leur liberté. Dans la scène 4, il accapare la parole (lieu de l’espace théâtral par excellence), forçant même les autres personnages à se taire. On analysera les ordres donnés, l’utilisation de l’impératif, le tonvéhément employé par le Père Ubu. Cette hégémonie discursive est à la fois anti- et hyper-théâtrale, en ce qu’elle tue le théâtre en révélant que ce qui se fait est du théâtre.
Le despotisme du roi se traduit donc également en un despotisme scénique : le personnage du Père Ubu tend à mobiliser et à garder la scène pour lui, évacuant s’il le faut par le meurtre les autres personnages qui…