Commentaire d’un extrait de l’eneide
INTRODUCTION
Ce texte est extrait du VIII° livre de l’Enéide, rédigé par Virgile semble-t-il vers 27 avant J.C. : mais l’auteur, ayant modifié son texte jusqu’à sa mort en 19 avant J.C., nous prendrons cette date comme limite contextuelle dans l’optique de notre interprétation.
Nous sommes en présence d’un poème épique qui, à travers le récit du périple enduré par le troyen Enéele conduisant en péninsule italienne, inscrit l’histoire de Rome dans la continuité des temps mythiques.
L’auteur de ce poème qu’est l’Enéide, Virgile (69-mort en 19 avant J.C.), de son vrai nom Publius Vergilius Maro, fut initié dès l’âge de 15 ans, à Milan et à Rome, aux chefs-d’œuvre de la littérature grecque et alexandrine, ce qui est fondamental car cette influence transpire àtravers son œuvre. Il possédait un vaste savoir et se lia rapidement à de jeunes écrivains de son temps. Ayant connu un vif succès avec ses Bucoliques, il attira l’attention de Mécène, fin lettré, ministre et ami d’Octave, qui lui commanda les Géorgiques pour aider Octave à remettre les travaux des champs en valeur.
Ce fait illustre deux choses : la conscience de la part d’Auguste et de Mécènedu pouvoir de la littérature sur les mœurs, et l’adhésion de Virgile, grand patriote, aux idées d’Octave et de Mécène.
De là est venue à ces deux derniers l’idée de faire rédiger par Virgile un chant à la gloire d’Octave. Cette idée est aussi née d’un contexte particulier. Suite à la victoire d’Actium en 31 avant J.C., Octave est l’unique homme fort de l’Empire romain. Il désire, àl’instar de son père Jules César, concentrer l’exercice du pouvoir en ses seules mains. Seulement il ne peut pas imposer une monarchie, système haït par les citoyens romains et qui a causé la perte de son père. C’est pourquoi Octave entend inscrire l’ordre qu’il tente de mettre en place dans le cadre républicain, en conformité avec la constitution. De là, pour justifier l’émergence d’un principat danslequel le princeps accumule dans les faits un ensemble de pouvoirs sur sa personne outrepassant les limites constitutionnelles, Octave doit utiliser des principes idéologiques, qu’un poème à sa gloire pourrait illustrer, en mettant en avant le fait qu’il entend s’inscrire dans la continuité des valeurs romaines traditionelles.
Auguste n’obtient pas ce poème élégiaque. A la place Virgilerédige dès 29 avant J.C. l’Enéide qui est plutôt un chant à la gloire de la Rome des débuts du principat, mais aussi un poème véhiculant, à travers le mythe du retour de l’âge d’or, un message de paix révélateur d’une lassitude suite aux incessantes guerres civiles du I° siècle avant J.C. Tout cela est habilement intégré au sein d’un texte narratif faisant vivre les dieux au milieu des hommes.De là,on ne sait pas vraiment si la rédaction de l’Enéide fut réellement dirigée vers une propagande en faveur d’un Auguste supervisant, directement ou non, l’avancée de l’œuvre. Néanmoins, partons pour notre analyse du principe que l’extrait auquel nous sommes confrontés, qui fait manifestement le panégyrique du princeps, véhicule cette volonté augustéenne d’instaurer un ordre nouveau.A partir de là, en connaissant les moyens sur lesquels Octave s’appuie pour fonder cet ordre, le texte nous pose (entre autres il est vrai) la question suivante : quels fondements idéologiques fondateurs du principat et révélateurs de l’originalité du nouveau régime qui se met en place dans les années 20 avant J.C. transparaissent à travers l’extrait ?
Etudions dès lors ces fondements,que nous regrouperons par commodité en trois ensembles.
I/ LA VICTOIRE MILITAIRE :
A – LA VALEUR GUERRIERE :
L’extrait met en scène la description d’un bouclier donné par Vénus à son fils Enée : Vulcain, son créateur, y a notamment représenté, dans le poème de Virgile, la bataille d’Actium. On le voit ici, le poète rappelle la présence d’Octave au sein même de cet…