Commentaire de texte bonniol, la race comme maléfice
Texte choisi : Bonniol Jean-Luc, la couleur comme maléfice. Une illustration créole de la généalogie des Blancs, Paris, Albin Michel, 1992
Jean-Luc Bonniol est professeur d’anthropologie à l’Université Paul Cézanne Aix-Marseille 3, et travaille à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme. Il est Spécialiste des sociétés créoles, et a mené des recherches sur l’impact de la« race » dans la structuration sociale et dans les processus identitaires. Ses nombreux travaux lui ont permis de construire une réflexion générale sur l’identification raciale et la persistance des modes coloniaux de catégorisation. Le texte dont nous ferons l’analyse ici est extrait du livre la couleur comme maléfice, publié en 1992.
A partir de l’étude du cas des Antilles Française, l’auteur yinterroge la « racialisation » des rapports sociaux dans la société esclavagiste puis post esclavagiste.
Il constate que bien qu’une certaine image dévalorisée des noirs existait dans les mentalités occidentales avant l’entreprise coloniale, celle-ci ne suffit par pour faire émerger des préjugés « efficaces dans la structuration des rapports raciaux » [Bonniol, 2007 : 13]. Il faudra attendre la« rencontre des mondes » et les rapports de production caractéristiques de l’entreprise coloniale esclavagiste pour que les critères phénotypiques liés aux Noirs deviennent « opérationnels » comme structurants du social. On peut alors se demander comment et pourquoi s’opère dans ce contexte historique précis un racialisation des rapports sociaux qui divise le monde en deux grands ensembles. Comment dans lasociété coloniale envisager l’articulation entre classe et race ?
Nous verrons dans un premier temps, la race comme une justification de l’entreprise coloniale, puis nous aborderons l’autonomisation de la race, en d’autres termes la racialisation de la société coloniale, enfin, nous nous appuierons sur un exemple tiré de notre travail de recherche actuel, pour illustrer le propos de Jean LucBonniol sur l’autonomisation de la race. Nous montrerons comment elle donne toujours lieu quelque soit le niveau social des individus concernés à des stratégies visant à gérer le stigmate racial.
Jean Luc Bonniol situe la construction du racisme anti-noir dans les rapports de production sanctionnés juridiquement (libre/esclave) caractérisant la société esclavagiste, bien avant que lesbiologistes ne cherchent à constituer une définition scientifique de la notion de race. Ce racisme qu’il qualifie de fonctionnel, visant à justifier l’organisation sociale de la société coloniale esclavagiste et créant une altérité interne au corps social, est à distinguer du racisme réactionnel, comme l’antisémitisme, excluant du corps social, dans un contexte d’insatisfaction social, un groupeconsidéré comme « étranger » par « des comportements d’agressions ». [1992 : 100]
Pour comprendre cette notion de justification, il convient de revenir sur le choix des populations noirs pour remplir le rôle d’esclaves dans ces colonies. Christophe Colomb découvrit l’archipel des Antilles entre 1492 et 1496. Celui-ci situé à une position stratégique entre l’Europe et le continent américain fut d’abordoccupé par les espagnols qui contraignirent les populations locales aux travaux forcés. Rapidement, celles-ci furent décimées par les maladies importées d’Europe et par les mauvais traitements infligés par les Colons. Ces derniers durent alors trouver une main d’œuvre « docile et dégradable » pour remplacer la population de travailleurs indigènes dans les plantations sucrières.
La mise enesclavage des populations blanches européennes était tombée en désuétude depuis la fin du Moyen Age. D’une part, l’asservissement des prisonniers de guerres avaient été peu à peu remplacé par des pratiques de rachat ou d’échange entre les différents pays. D’autre part, les chrétiens commençaient à questionner leur légitimité à asservir d’autres chrétiens.
En outre, le commerce d’esclave était…