Commentaire de alcools, apollinaire « le pont mirabeau »
Alcools, Apollinaire
« Le pont Mirabeau »
Introduction
Guillaume Apollinaire (1880-1918) est l’un des poètes français majeurs du début du XXème siècle. Il est également l’auteur de nouvelles et de romans érotiques, et l’un des précurseurs du surréalisme. En 1913 est publié son recueil Alcools, dont est tiré le poème étudié.
Le pont Mirabeau est directement inspiré de sa propre vie,puisqu’il s’agit du pont sur lequel passait l’écrivain à chacun de ses retours de chez Marie Laurencin, une peintre avec qui il a entretenu une liaison.
Commentaire du poème
I/ Le poète, entre passé et présent
1/ Regret de l’amour passé
La Seine symbolise l’amour passé, tout comme le passage du temps.
Ainsi, l’eau qui coule est une métaphore de ce temps qui s’enfuit. Mais apparait égalementune comparaison sur le même thème : « L’amour s’en va comme cette eau courante ».
La fatalité est très présente dans le poème, qu’elle porte sur l’être humain, le temps qui passe ou l’amour perdu. Le caractère irréversible de la situation est souligné par l’usage de « ni…ni ».
L’anaphore « l’amour s’en va », répétée deux fois, insiste sur le caractère obsessionnel de cette pensée chezApollinaire. Mais la dernière strophe révèle sa résignation au fait qu’il ne retrouvera jamais cet « âge d’or », à travers les vers « ni temps passé/ Ni les amours reviennent ».
2/ Se souvenir
Si le bonheur est passé, en revanche son souvenir est resté intact dans l’esprit du poète.
Il est intéressant de noter qu’au vers 2, nous ignorons à quoi se rattache l’expression «et nos amours ». Celacorrespond-il à « coule », ou bien à « souvienne » ? L’ambiguïté est maintenue, mais cela a peu d’importance au final puisque le double sens reste pertinent dans l‘esprit du poème. Cela place cet amour comme un fantôme, présent à la fois dans le passé et dans le présent, action passée et souvenir actuel… Le poète est comme coincé dans ses propres souvenirs, entre amour défunt et souvenir douloureuxencore vivace.
A l’image du décor, le souvenir s’immobilise, tel « l’onde si lasse ». A ce sentiment se joint l’amertume d’Apollinaire, qui s’interroge sans pour autant utiliser la ponctuation attendue : « faut-il qu’il m’en souvienne ».
Ainsi, le souvenir, plutôt qu’une plaisante mélancolie, déclenche chez le poète une peine lourde à porter : « peine », « lasse », « violente ».
3/ Lepoète dans le présent
La difficulté de cette situation vient du fait que le poète, lui, vit bel et bien dans le présent, malgré l’obsession du passé. L’utilisation d’une parataxe (juxtaposition des phrases, sans mot de liaison) lors du refrain « Les jours s’en vont je demeure », renforce ce sentiment.
La ressemblance établie entre le poète et l’image du pont symbolise l’immobilité et lapermanence. Ainsi, le fleuve parisien devient le reflet de son destin, parce que comme le temps qui s’écoule, celui-ci ne porte aucune attention à sa souffrance.
Ensuite, la fréquente opposition entre le singulier et le pluriel soulignent son isolement et son incapacité à agir.
Lorsqu’il essaie de s’échapper du passé par l’espérance, qui est une tentative d’aller de l’avant, celle-ci devient «Espérance », magnifiée, mais il la qualifie aussitôt de « violente ».
II/ La lenteur du temps qui passe
1/ L’irréversible écoulement du temps
Apollinaire ne peut que constater le passage du temps.
Comme le fleuve, le temps s’écoule inexorablement : « Passent les jours et passent les semaines », « Sous le pont Mirabeau coule la Seine » ; l’usage des rimes embrassées lie définitivement cesdeux images.
Du point de vue de la technique poétique, on peut relever de nombreux enjambements de vers à vers, qui donnent une idée de continuité.
Chaque strophe s’achève sur l’image de ce passage, qu’il s’agisse de l’eau qui continue de couler ou du temps qui s’enfuit : « l’onde », « coule »… et le refrain vient renforcer régulièrement cette idée, comme une complainte.
2/ L’importance…