Commentaire d’arret, cass. civ. 1ere mardi 24 janvier 2006
Commentaire d’arrêt de la Cour de Cassation, première chambre civile, Mardi 24 janvier 2006
Le principe de la séparation des pouvoirs indique que les pouvoirs judiciaires, exécutifs et législatifs ne devraient pas être confondus. Pourtant les actions de chaque membre de l’État ont des conséquences sur les autres; les lois édictées par le législateur doivent être suivies par les juges et lesministres. Un problème se pose quand deux pouvoirs présentent des intérêts différents. Il doit y avoir une base légale pour justifier les décisions des uns qui pourraient agir contrairement aux décisions des autres. C’est à un problème de ce type que la première chambre civile de la Cour de cassation s’adresse le 24 janvier 2006.
En l’espèce, la fille de Mme X et M.Y est née en 1996 atteinte d’unhandicap non-décelé avant la naissance. Le gynécologue-obstétricien, M.Z, de Mme X, après avoir pratiqué sept échographies, n’a pas trouvé d’anomalies. Mme X et M.Y recherchaient la responsabilité de M.Z afin d’obtenir la réparation de leur préjudice morale et du préjudice de leur fille sur la base de l’article 1382 du Code Civil.
En vertu de la loi n.2002-303 du 4 mars 2002, la Cour d’appeljugea qu’il n’y avait aucun lien de causalité entre les actions de M.Z et le préjudice de l’enfant car les fautes du médecin ne sont pas à l’origine du dommage. En effet, l’handicap de la fille existait avant même que M.Z soit intervenu dans la vie de cette famille. Ainsi, l’enfant et ses parents n’ont pas été accordé le droit a la réparation de leurs préjudice et se sont pourvus en cassation.
MmeX et M.Y avancent l’argument que la détermination de la responsabilité du médecin et du montant des réparations auquel ils auront droit devrait se faire en vue de l’état de jurisprudence antérieur à la loi n.2002-303 du 4 mars 2002 car cette loi contrevient à l’article premier du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en cequ’elle les prive d’un « bien ». Ainsi, la cour de cassation trouvera que le médecin est responsable d’avoir empêché Mme X d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse et donneront droit à la famille à une réparation intégrale. M.Z, par contre, avance la thèse que la loi de 2002 est applicable car l’intérêt public surpasse le détriment causé à la fille et ses parents par l’application de la loi,que ses fautes ne sont pas la cause du préjudice et ainsi que les pourvoyeurs en cassation n’ont que droit à une réparation forfaitaire.
Pour la Cour de cassation, il s’agit donc de savoir si la loi du 4 mars 2002 est compatible avec l’article 1er du protocole n.1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme.
La Cour de cassation répond au négatif en indiquant que l’état dejurisprudence avant la loi a donné lieu à une espérance légitime d’un droit de créance en responsabilité, que ceci constitue un « bien » selon la Convention européenne et qu’il n’y a pas d’intérêt public prépondérant justifiant l’enlèvement de ce bien. Ainsi, Mme X, M.Y et leur fille ont droit à une réparation intégrale de leurs préjudices.
Cet arrêt conduit à analyser dans un premier temps le fondementdu droit de créance en responsabilité ainsi que le contenu de la loi de 2002 et ensuite le raisonnement de la Cour de cassation en rendant son arrêt de cassation de l’arrêt de la Cour d’appel ainsi que les conséquences d’une telle décision.
I/ La création du droit de créance en responsabilité et son abrogation
A) « L’affaire Perruche »
1) L’espèce
L’assemblée Plénière de la Cour deCassation rendit son arrêt le 17 novembre 2000 au sujet de la réparation du préjudice d’être née. En l’espèce, cette affaire, surnommée « l’affaire Perruche »[1], concerne la naissance d’un enfant, Nicolas Perruche, atteint de la maladie de la rubéole non-détectée avant sa naissance. Pourtant sa mère, Mme Perruche, avait démontré qu’elle espérait interrompre sa grossesse si des analyses démontrent…