Cinema

septembre 5, 2018 Non Par admin

La science-fiction, littérature du présent
par Jean-Marc Ligny

Début de siècle incertain et angoisse de l’avenir obligent, la littérature de science-fiction a le vent en poupe. Les collections se multiplient, tant pour les adultes que pour les jeunes, les lecteurs (re)décou¬vrent le genre par le biais du cinéma, des jeux vidéo, de la BD. Mais pour la plupart, la science-fiction c’estencore « des histoires de fusées et de petits hommes verts ». Or désormais, la SF a les pieds sur terre et les yeux braqués sur le quotidien.
Il est vrai que, si l’on se fie aux récents succès cinématographiques – Independence Day, le Cinquième Élément, Mars Attacks, la Guerre des Étoiles… – la SF semble toujours raconter les mêmes sempiternelles histoires d’extraterrestres qui envahissent la Terreou d’aventures galactiques à bord de vaisseaux gigantesques. Or, à part quelques « ovnis » qui réhabilitent le genre – Blade Runner, Brazil, l’Armée des Douze Singes, Total Recall, Strange Days… – le cinéma de SF a près d’un demi-siècle de retard sur la littérature, au point de vue scénario s’entend. Donc, malgré sa popularité, il ne peut être pris comme référent d’un genre en évolution constante,et constamment branché sur la réalité.
En effet – et ce n’est pas le moindre de ses paradoxes – la science-fiction est avant tout une littérature du réel, du présent, dont le propos, camouflé en  » voyez ce qui nous attend  » est généralement de dire  » voyez dans quel monde nous vivons « . Et la finalité de l’écrivain de SF, qui se définit volontiers comme « explorateur du futur », est de traquer lesgermes de ce futur – ou d’un futur potentiel – dans le présent, toutes les composantes du présent : scientifiques et techniques sans doute, mais aussi sociales, humaines, historiques, ethniques, morales.
L’évidence de cette affirmation transparaîtra aisément à travers un bref historique du genre.
SF, fantastique, fantasy :
trois branches de l’arbre imaginaire
Mais tout d’abord, permettez-moide lever une ambigüité que trop de lecteurs peu habitués aux littératures de l’imaginaire ont tendance à commettre : celle de confondre et mettre dans le même sac science-fiction, fantastique et ce qu’on appelle aujourd’hui la fantasy : cette dernière relève directement d’un genre littéraire très ancien qui est l’épopée, la saga, la quête initiatique. Un genre illustré en Occident par les récits dela Table Ronde ou les sagas scandinaves, ou en Orient par les contes des Mille et Une Nuits ou la Baghavad-Gita. Il existe aussi des exemples africains que sont les contes initiatiques peuls, comme Kaïdara ou Njeddo Dewal, magnifiquement retranscrits par Amadou Hampaté Bâ. Ce sont des récits dans lesquels le monde est magique par essence et les hommes sont en relation directe avec les Dieux, lesesprits et autres  » êtres intermédiaires  » (fées, lutins, démons, mages, saints, etc.) Un rejeton récent de cette littérature est le désormais bien connu Seigneur des Anneaux.
Le fantastique, tel qu’on le conçoit en Occident du moins, est tout comme la science-fiction une littérature née au XIXe siècle, par opposition à la rationalisation du monde apportée par le Siècle des Lumières et larévolution techno-industrielle. Quand Dieu (ou les dieux) sont devenus trop lointains et abstraits, quand la science a prétendu tout expliquer, on a cherché à étancher notre soif de mystère et d’inconnu en  » inventant  » la littérature fantastique. Laquelle, en général, ouvre une brèche terrifiante dans la réalité quotidienne et place le héros, seul et démuni, devant cette brèche. Le héros, que biensouvent personne ne croit ni ne veut aider, n’aspire alors qu’à vaincre ses peurs et retrouver la norme, si rassurante au fond. C’est donc avant tout une littérature de fantasmes, où l’homme est seul face à des interrogations métaphysiques suscitées généralement par la peur. Issue des Romantiques du XIXe siècle (Maupassant, Walpole, Hoffman, Edgar Poe…), la littérature fantastique a aujourd’hui son…