Ce 1 février 1995, préfet de la meuse
Commentaire d’arrêt :
CE 1 février 1995, Préfet de la Meuse
L’arrêt que nous commentons traite des conditions d’affectation d’un bien à un service public et plus particulièrement de l’interprétation qu’a faite le conseil d’Etat de la notion de domanialité publique.
En l’espèce, par délibération du 4 février 1987, le conseil général a décidé de faire d’un immeuble, le siège de l’hôteldu département. Un permis de construire est délivré le 25 mai 1989 par le préfet. À la suite d’appels d’offres, le Conseil Général a désigné les organismes chargés de superviser l’exécution des travaux nécessaires à la réalisation des aménagements spéciaux requis afin d’adapter cet immeuble au service public de l’administration. Mais le 21 juin 1990, le préfet a pris un arrêté sur proposition dudépartement, constatant que l’immeuble avait cessé d’être affecté au service public de l’Education Nationale. C’est pourquoi, le 29 juin 1990, le Conseil Général de Meuse prononça le déclassement de l’immeuble. Le 10 juillet 1991, le tribunal administratif de Nancy rejeta le déféré du Préfet de la Meuse, tendant à l’annulation de la délibération en date du 29 juin 1990. Puis le 23 juillet 1991, lepréfet de la Meuse saisit le conseil d’Etat en lui demandant d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy ainsi que la délibération du 29 juin 1990.
Se posa alors la question de savoir si une personne publique peut légalement procéder au déclassement d’un bien au motif qu’il n’est plus affecté à un service public alors qu’elle a décidé de l’affecter à un autre service public et que cetteaffectation nécessite des aménagements spéciaux. Il ressort à cet effet de l’arrêt que le déclassement n’est pas jugé de nature à enlever à un immeuble sa qualité de dépendance du domaine public dès lors que les opérations destinées à le maintenir affecté à un service public ont été engagées.
Nous pouvons alors nous demander d’une part dans quelle mesure un bien peut-il être affecté à un servicepublic alors que les aménagements spéciaux n’ont pas encore été réalisés et d’autre part, si la solution dégagée par le conseil d’Etat dans cette espèce est encore d’actualité aujourd’hui.
Pour répondre à cette question nous montrerons en premier lieu que la haute juridiction a procédé à une conception extensive de la domanialité publique à l’époque et en second lieu, qu’elle a de la sorteaccordée une importance manifeste à l’affectation.
I- Une conception extensive de la domanialité publique pour l’époque
Traditionnellement, pour qu’un bien puisse être affecté à un service public, il fallait notamment qu’il fasse l’objet d’aménagements spéciaux. Nous verrons d’une part en l’espèce que le conseil d’Etat n’a pas requis l’effectivité de ces travaux pour affecter le bien auservice public et d’autre part, que cette solution reflète la théorie du domaine public virtuel.
Des aménagements spéciaux pas encore effectués
La notion d’aménagement spécial a toujours été très imprécise. L’arrêt de principe en la matière est l’arrêt Société le Beton, rendu par le conseil d’Etat le 19 novembre 1956. En effet, c’est à ce moment qu’a été dégagé le critère del’aménagement spécial afin de limiter l’extension du domaine public. C’est ainsi que désormais, l’affectation à un service public complétée par un aménagement spécial à cet effet emporte la domanialité publique. Ce critère a par la suite été appliqué avec rigueur (CE 11 mai 59 Dauphin, CE 17 mars 1967 Ranchon etc.). Or, dans l’arrêt que nous étudions, aucun aménagement spécial n’a été réalisé. En l’espèce,me juge relève seulement que les opérations destinées à maintenir l’immeuble affecté à un service public ont été engagées alors qu’il aurait dû s’agir de transformer un bien ayant subi des aménagements spéciaux en réalisant de nouveaux aménagements nécessaires au service public se substituant au précédent service. Au regard de la jurisprudence « Société le Beton », il est donc difficile de…