Cartier-bresson, madrid 1933, allégeance surréaliste et piste du hasard objectif
Henry Cartier Bresson rendant hommage à André Breton dit : « C’est au surréalisme que je dois allégeance ». Henry Cartier Bresson de par son parcours ne cessa d’interroger la forme photographique, son esthétique, se montrant véritable guetteur de moments, un ethno-graphiste qui comme il le dit à Moscou, fait une photographie « en poursuite du hasard objectif ». Sans cesse voyageur, un peucomme Jean Rouch, Antonin Artaud ou Leiris il ne cessa de brandir Harmonie et Géométrie comme de véritables avatars.
C’est ce que l’on pourrait remarquer dans cette image proposée (Madrid 1933) qui fit partie de la période espagnole de Cartier Bresson. Une période où il reçut une commande du magazine Vu, magazine-précurseur dans la presse illustrée. Ces œuvres que HCB fit en cette périodecoïncidèrent avec le changement d’orientation esthétique et politique du magazine, mais aussi avec les mesures du nouveau gouvernement républicain. Le travail que Cartier Bresson élabora en cette période fut principalement inaugural ; d’abord parce qu’elle démontre au photographe lui-même la possibilité de vivre de ses images en œuvrant comme reporter. Ensuite parce que sa vision est désormais investiede la mission, ou de la responsabilité de rendre l’actualité à travers un style. Ce travail fit émerger chez Henry Cartier Bresson une nouvelle forme d’expression ou plus précisément elle aiguisa et souligna l’exigence de HCB face à l’histoire.
L’on peut considérer le cinéma documentaire russe voire soviétique (Alexandrov, Paradjanov, Vertov, Sokurov, voire Wajda et Djovdjenko) et la conjonctionde la photographie et du texte comme les moyens qui doivent prendre la relève de la photographie surréaliste vis-à-vis de la tâche révolutionnaire. Il existe à quelques détails près la même évolution chez Henry Cartier Bresson : . En partant d´une position proche du surréalisme, qui est spécialement évidente dans la thématique de sa première œuvre, c’est le besoin de lutter contre le fascisme quil’a poussé vers le photojournalisme et l’art documentaire engagés.
Que voit-on à travers et dans cette image (Madrid 1933) : Je tiens avant à souligner que cette période vit HCB faire un travail conséquent sur le noir, le blanc, l’écume, les empruntes (Munacski, Maroc à la plage d’Asilah, Séville). Et ici, dans son voyage espagnol, il a une véritable présence d’enfants dans quasiment une photo surdeux.
Composition(s) et déconstruction de l’image :
Il s’agit principalement d’un plan large, en légère contre plongée, montrant un mur blanc orné de petites fenêtres disparates, formes carrées ou rectangulaires presque superposables ou parallèles au plan de la photo (cadre) on a l’impression que les fenêtres sont aussi des sortes de tableaux ou de clichés lointain, chacun différents del’autre, accrochés au mur comme des toiles qui mettent en abîme le travail de HCB. Une douzaine de personnages se détachent ou justement se rattachent à cette toile de fond. Les silhouettes des enfants sont entre le lointain et le très proche, ayant l’air de modèles placés là, épinglés et étendus comme du linge pour mettre en évidence quelque chose de plus centré dans l’architecture rythmique de la photoet en même quelque chose d’absent de très temporel, de très furtif. On remarque l’absence de ligne de fuite due fortuitement à la disposition du bord inférieur de la photo et la base murale. Cela en premier. Deuxièmement à cause de la rigidité ou dureté des contours due justement à la disposition rythmique des fenêtres et, en face, celle des enfants. Véritablement, une géométrie plane rappelant letravail de Jean Arp, ou les arrangements rythmiques de Paul Klee, mais aussi quelques toiles Picassiennes sur l’architecture métropolitaine, celle de Jackson Pollock sur son adaptation de Mona Lisa (Brutalité et agressivité de la rythmique des couleurs). Il s’agit bien de disposition géométrique favorisant un personnage central : L’arrangement des têtes des enfants décrit une ligne en…