Camile hamidi

août 27, 2018 Non Par admin

ÉLÉMENTS POUR UNE APPROCHE INTERACTIONNISTE DE LA POLITISATION Engagement associatif et rapport au politique dans des associations locales issues de l’immigration
CAMILLE HAMIDI

i les travaux sur le capital social ont connu un tel retentissement dans le monde des sciences sociales et au-delà 1, alors qu’ils ont fait l’objet de critiques virulentes 2, c’est qu’ils reposent sur desreprésentations largement partagées de la société civile et de l’engagement associatif, en particulier. Face à la crise de la participation politique, à la remise en question des formes traditionnelles du militantisme, qui serait caractérisé par un don et un oubli de soi peu conformes aux aspirations à l’autonomie individuelle en vigueur aujourd’hui, face au fossé qui se creuserait entre les représentantspolitiques et leurs mandants, et enfin, face à la remise en cause de l’efficacité et de l’ampleur de l’intervention étatique, la société civile est invoquée comme le lieu où renouer le lien social, restaurer la démocratie participative, établir des pratiques militantes plus distanciées 3 ou encore « faire de la politique autrement ». De telles analyses, qui rejoignent des débats déjà anciens 4, sontfondées sur une théorie sous-jacente des vases communicants selon laquelle l’engagement associatif viendrait peu à peu remplacer un engagement partisan affecté par le discrédit touchant le champ politique dans son ensemble et sur l’hypothèse selon laquelle le monde associatif constituerait un lieu de politisation pour les adhérents. Une telle hypothèse n’est pas sans fondement empirique. Dans uneétude récente et détaillée du cas français, Nonna Mayer démontre ainsi que le fait d’appartenir ou non à une association exerce une in?uence réelle et notable sur le degré de politisation des individus 5, celui-ci étant mesuré par trois indicateurs : le niveau de connaissances

S

1. Notamment autour des travaux de Robert D. Putnam, « Bowling Alone. America’s Declining Social Capital », Journalof Democracy, 6 (1), janvier 1995, p. 65-78 ; « Tuning in, Tuning out. The Strange Disappearance of Social Capital in America », PS : Political Science and Politics, 28, décembre 1995, p. 664-683 ; Bowling Alone. The Collapse and Revival of American Community, New York, Simon and Schuster, 2000 ; et, sous sa direction, Democracies in Flux. The Evolution of Social Capital in Contemporary Society,Oxford, Oxford University Press, 2002. 2. Pour une synthèse critique des travaux sur le capital social, cf. notamment les numéros spéciaux consacrés à cette question dans l’International Journal of Social Research Methodology, 6 (1), 2003, et dans la Revue internationale de politique comparée, 10 (3), 2003, ainsi que Jean Cohen, « Pour une démocratie en mouvement. Lectures critiques de la sociétécivile », Raisons politiques, 3, 2002, p. 139-160, et Camille Hamidi « Lire le capital social. Autour de Robert Putnam », Revue française de science politique, 53 (4), août 2003, p. 607-613. 3. Sur ce point, cf. Jacques Ion, La ?n des militants ?, Paris, Éditions de l’Atelier/ Éditions ouvrières, 1997. 4. Cf., par exemple, la synthèse qu’en proposait Dominique Memmi dans « L’engagement politique »,dans Madeleine Grawitz, Jean Leca (dir.), Traité de science politique, Paris, PUF, t. 3, 1985, p. 310-366. 5. Nonna Mayer, « Les conséquences politiques du “capital social” : le cas français », Revue internationale de politique comparée, 10 (3), 2003, p. 381-395.

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Revue française de science politique, vol. 56, n° 1, février 2006, p. 5-25. © 2006 Presses de Sciences Po.

Camille Hamidipolitiques 1, l’intérêt déclaré pour la politique et la capacité à se repérer dans le champ politique 2. On obtient en effet respectivement des écarts de 12, 19 et 14 points dans les réponses à ces questions selon que les personnes interrogées appartiennent à aucune ou à deux associations et plus. Si l’in?uence de l’appartenance associative en tant que telle sur le niveau des connaissances…